Dispara ! - Carlos Saura (1993)

Modérateurs : Karen, savoy1, DeVilDead Team

Répondre
manuma
Messages : 3001
Enregistré le : dim. mai 08, 2005 9:44 am
Contact :

Dispara ! - Carlos Saura (1993)

Message par manuma »

Marcos tient la rubrique culturelle d'un grand quotidien de Madrid. Pour réaliser un reportage, il visite un cirque installé à la périphérie de la ville et assiste, médusé, à l'extraordinaire numéro d'adresse d'une écuyère, Ana, aussi belle qu'habile lorsque, juchée sur un cheval lancé au galop, elle tire sur des cibles mouvantes. Marcos et Ana passent la nuit ensemble. Appelé à Barcelone, le jeune homme se sépare de l'écuyère le soir même où celle-ci est attaquée et violée par trois petits voyous qu'elle venait d'éconduire. A son retour, Marcos s'étonne de ne plus trouver trace de celle qu'il aime et dont il ignore qu'elle erre dans la ville, une arme en main, prête à tout pour se venger ...



Image


Carlos Saura s’était déjà frotté au cinéma de genre au tout début des années 80 avec son Vivre Vite, récit de la dérive criminelle d’une bande de petits délinquants de la banlieue madrilène. Certes l’œuvre se voulait avant tout une réflexion quasi-politique, un constat social, mais elle n’en possédait pas moins la nervosité et l’intensité des meilleures séries noires. Adaptant ici le roman de George Scerbanenco, Spara che ti passa (« Tire pendant qu’il est temps »), auteur déjà porté à l’écran par le français Yves Boisset (Cran d’arrêt) et les italiens Fernando Di Leo (I Ragazzi del massacro, Milano Calibro 9), Duccio Tessari (La Morte risale a ieri sera) et Romolo Guerrieri (Liberi armati pericolosi), Saura adopte en quelque sorte la démarche inverse ici : il s’attaque à une pure intrigue policière – bénéficiant, il est vrai, de ce soucis de réalisme social caractéristique des histoires de Scerbanenco (du moins, de celles que je connais) – et lui injecte son regard aiguisé de cinéaste observateur des mutations de l’Espagne de ces 30-40 dernières années.

Le plan d’ouverture, survol de Madrid et de ses grandes artères périphériques sur concert de klaxons, sirènes et autres joyeusetés sonores des grandes cités, annonce la couleur grise et oppressante de la tragédie urbaine que va nous conter Saura. A la découverte de celui-ci, difficile en outre de ne pas repenser au générique de fin de Cria Cuervos, autre plan d’ensemble très évocateur de la capital espagnole. 2 séquences prises à 15 ans d’intervalle, qui en disent beaucoup sur l’évolution de ce pays. Fini les demeures décrépies, les vielles pierres et les avenues en travaux de Cria Cuervos, c’est une Espagne moderne, à l’Américaine en quelque sorte (cf. la salle de rédaction du journal dans lequel travaille Banderas, qui donne vraiment cette impression) que nous montre Saura, celle du boom économique / immobilier consécutif à l’entrée du pays dans l’Union européenne à la fin des années 80.

Mais la réussite de Dispara ! ne se résume pas qu’à un décor et une ambiance remarquablement bien plantés, c’est également un mélange risqué mais parfaitement dosé de drame amoureux et d’action-suspense, côtoyant même, dans sa partie centrale, les eaux troubles du « rape and revenge ». Avec à ce titre une séquence de viol / agression qui secoue bien son spectateur, opérant une transition coup de poing entre le romantisme fragile de la première partie, mettant en scène une histoire d’amour que l’on devine rapidement sans issue, et la noirceur glaçante de la dernière heure du film, récit d’une cavale désespérée, d’une fuite en avant sans issue, qui rappelle d’ailleurs sensiblement, dans sa progression dramatique implacable, la fin de Vivre vite.

S’il me fallait porter quelques réserves à l’ensemble, je situerai celles-ci au niveau du discours accusateur de Saura envers les médias - télé et presse écrite - grands pourvoyeurs d’image spectaculaires et racoleuses à moindre coût. Du moins est-ce ce que j’ai compris ici, parce que son message m’a justement paru un brin confus, pour ne pas dire superficiel.

Reste néanmoins une œuvre forte, à ranger dans l’œuvre de Saura aux côtés du déjà cité Vivre vite mais également de son plus récent 7eme jour. Diffusé actuellement sur Ciné Cinéma Club sous le titre Les Voyous.
Modifié en dernier par manuma le jeu. févr. 03, 2011 2:58 pm, modifié 1 fois.
manuma
Messages : 3001
Enregistré le : dim. mai 08, 2005 9:44 am
Contact :

Re: Dispara ! - Carlos Saura (1993)

Message par manuma »

Par ailleurs, quelqu'un sait si ce film est sorti en France ...
Manolito
Site Admin
Messages : 21654
Enregistré le : ven. avr. 30, 2004 2:17 am

Re: Dispara ! - Carlos Saura (1993)

Message par Manolito »

Selon le site du CNC, il serait sorti en France sous le titre "Dispara" le 30/01/1995, avec interdiction aux moins de 12 ans.
manuma
Messages : 3001
Enregistré le : dim. mai 08, 2005 9:44 am
Contact :

Re: Dispara ! - Carlos Saura (1993)

Message par manuma »

Merci. En revanche, aucune signalétique d'interdiction lors de son passage sur Ciné Cinéma. Ca m'a d'ailleurs étonné sur le coup.
Répondre