Kirigoe Mima est une idol-star de seconde zone qui decide d’abandonner sa carriere de chanteuse pour essayer de devenir une actrice. Alors qu’elle decroche un tout petit role dans une serie policiere, des evenements inquietants—dont elle semble etre le centre—commencent a se multiplier autour d’elle. Mima en vient a douter de son propre etat mental alors que sa sa realite se confond de plus en plus avec son role en tant qu’actrice…
Base sur un roman de Yoshikazu Takeuchi, le realisateur Satoshi Kon ( Sennnen Joyuu / [ Millenium Actress ] (2001), Tokyo Godfathers (2003), Parika (2006) ), dresse un portrait inquietant du monde du spectacle japonais et des reves que celui-ci suscite, tant aupres des spectateurs que des vedettes en questions.
Au Japon, la couleur “bleu” au Japon n’est pas seulement associe au ciel ou a la mer, mais aussi a un sentiment de deprime ( “kibun wa blue” / “I feel blue” ), qui peut aller jusqu’a la depression et au-dela, jusqu’au suicide. Une couleur…a double tranchant dans le pays qui est souvent ( et a juste titre ) considere comme la premiere nation en terme…du taux de suicides.
Au Japon, l’industrie du spectacle est alimentee par une multitude de “jimusho” ( “officines” ) qui essayent de lancer la prochaine vedette ou de garder leurs “poulains” “dans la course” dans cet univers hyper-competitif ou chaque annee, un nombre incalculable d’aspirants-vedettes s’essayeront a devenir “quelqu’un”, alors que la culture nationale requiert que l’on “ne sorte pas du rang” et que toute ( tete ) de clou qui depasse, doit etre enfonce(e)...
Les “poulains” sont ainsi lances a l’unite ou regroupes en des groupes de facon industrielle et se voient confies des chansons-types produites a la chaine et qui pourraient etre chantes par n’importe le(s)quel(s) des chanteurs / groupes a lancer ou pre-existants.
Si ca “casse” souvent, des groupes plus “endurants” comme les Arashi, SMAP, Morning Musume ou AKB48 continuent d’entretenir les espoires les plus fous.
L’idee generale etant au final de passer acteur / actrice ou une plus grande reconnaissance critique attend le / la candidate, ainsi qu’une plus grande reconnaissance de la part du public ( les idoles etant “coincees” dans un carcan tres etroit et a a moins de de connaitre une popularite “explosive”—pour ne pas dire “nationale” ( et “durable” ), les “fans” se limitent essentiellement…a des “fans”, plus qu’au grand public.
Par contre, si les “appelles” sont nombreux, les “elus” le sont nettement moins.
Pour reussir le saut vers le petit ou grand ecran, le / la futur(e) ex-chanteur / euse passe generalement par plusieurs rites de passage, voire d’absolution; concert d’adieux ( aux fans ), conference de presse pour clarifier les intentions ( double d’un appel du pied au “grand public” ), emissions de radio / TV pour “se lancer”, suivi ensuite par un intensif “matraquage” mediatique dont les ficelles sont tirees par les “jimusho” / “officines”.
A noter que ces dernieres tiennent leurs poulains severement “en laisse”…dans l’interet de ces derniers, s’entend.
Pour certains, les plus rares, ce sera un premier pas au cinema, pour les autres un / des petits role(s) dans des telefilms / series teles, et en fait pour une majorite, tres vite un naufrage ou un renvoi dans des emissions de varietes / jeux qui pullulent ( “polluent” serait plus exact

) les ondes hertziennes nipponnes dont ils / elles ne sortiront plus jamais, ou du moins, jusqu’a ce qu’une nouvelle fournee d’aspirants-vedettes “recrutes” ( pour ces emissions ) ou “recales” ( du cinema ou de la tele ) ne les en delogent…
Dans un pays ou les filets sociaux / communautaires sont legions, les sourires des vedettes cachent un univers ou l’on est aussi vite “peche” que “(re-)jete” a la mer.
Il faut aussi noter que de la lumiere des spotlights du monde du spectacle nippon, il n’y a qu’un pas aux ombress du monde de la pornographie nipponne.
En effet, plus d’une “idole”, aspirante-modele ou aspirante-actrice aura connu une chute vertigineuse a travers un cycle couvrant generalement des photos-de-charme, aux videos-de-charmes pour finir dans la pornographie pure et simple ou pour survivre ( car prenant de l’age ), elles devront jouer les extremes et marche-niches des DTVs pornographiques ( ou AVs / [ Adult Videos ] ).
Leur seule chance etant qu’elles reussissent a se faire oublier et a se “caser” ( p.ex. se marier avec quelqu’un qui ignorerait completement leur “carriere” ).
A noter, que frequemment, et pour les plus celebres, cela finit en divorce et par un retour a la case “AV”, car les traites et factures s’empilent tout aussi vite au pays du soleil levant qu’ailleurs dans le monde.
Les hommes, eux, ont plus de “chance”. Ils ne trouvent plus d’emplois dans le showbiz et sont forces de raccrocher les wagons avec leurs vies “passees” ( d’avant-carriere, quoi ).
Bizarrement, le showbiz continue de faire rever des milliers de jeunes (et moins jeunes) qui suivent des cours dans des ecoles finances par des “jimushos”ou des chaines de television. Visiblement, la force du reve est plus forte que la peur de la realite…
A ce titre, PB dresse un portrait on ne peut plus sombre d’une “industrie” qui tout en vendant du “reve” n’a plus grand’chose d’humain dans son fonctionnement et ses rouages et ou ceux qui tiennent les fils de la destines de leurs “poulains” font montre d’un cynisme a toute epreuve, mais qui leur est sans doute necessaire pour accomplir leur “boulot” dans l’industrie.
Base sur un roman de Yoshikazu Takeuchi (“Perfect Blue – Yume nara samete / [ Perfect Blue – If this is a Dream, wake me up ], l’anime semblerait majoritairement diverger du roman, tandis qu’en 2002 un film “live”; Yume nara samete l’adapter plus fidelement(?), mais beneficier d’un bouche-a-oreille nettement inferieur…
En fait, l’auteur ( Takeuchi ) a donne son accord a la demande du realisateur ( Kon ) de se limiter a garder que des element-cles du recit, tels: l’horreur, une idole et un stalker / [ harceleur ]
Selon les sources, PB aurait du etre a l’origine, soit une serie “live”, soit une serie d’OVAs ( DTVs d’animation nipponnes ), ambition revue a la baisse suite au desistement de certains des financiers. Quoiqu’il en soit, le projet a la base ne semble pas avoir ete dans le sens d’un film d’animation destine a sortir en salle.
Si le style se veut realiste, dans dans son chara(cter)-design que son univers, l’animation est neanmoins en-dessous de certains films sortis a la meme epoque ( Memories (1995 ) ) ou d’avant (AKIRA (1988), Juubei Ninpuuchou / [ Juubei’s Ninja Scroll ], a.k.a. Ninja Scroll (1993) ). Cependant, cela ne derange pas vraiment, tant l’univers reste fascinant dans ses tenants…et veneneux dans ses aboustissants.
La realisation de Kon de son cote, emprunte beaucoup aux codes du giallos; les traditionnelles fausses-pistes ( i.e. un faux-coupable incontournable ), des meurtres TRES sanglants a l’arme blanche, une sexualite trouble ( vue par le prisme d’une production televisuelle / video plutot raccoleuse ), le tout se deroulant dans un monde de predateurs ( photographe de “mode”, scenariste célèbre, mais “vicelard” ) et presentant des elements psychologiques des plus sombres…( mais un cran plus convainquants que chez nos amis transalpins, quand meme

). Pas d’homophobie ou de bouteille de J&B en vue, donc.
Les elements du films ont du etre quelque peu consideres comme “durs”, le film s’etant vu attribue un R-15 au Japon ( reserve generalement soit aux films d’horreurs “live”, soit a des films “live” presentant des connotations sexuelles ou mettant en image de la consommation de drogues ).
Sur le hertzien, les films de type R-15 sont limites a une diffusion tardive, voire se voient oblige de pratiquer des coupes pour permettre la diffusion. Plus generalement, ils sont limites a une diffusion satellitaire.
Dans l’animation, cette etiquette est par contre beaucoup plus rare et se concentre sur de forts niveaux de violence ou de vulgarite.
Quoiqu’il en soit, le film est tant une reussite artistique ( meme si! ), que narrative, creeant un labyrinthe mental d’ou le personnage principal ( et le spectateur ) a de plus en plus de mal a sortir, car ne pouvant plus discerner la realite du phantasme. A ce titre, l’anime, le film parvient a faire passer des idees qui decidemment serait difficile a mettre en image dans un media “live”.
Le film est egalement assez realiste dans la mise en images de l’univers “virtuel” entourant le vedettariat cote “fans” et montre ( déjà ) les premisces des derives y adjacentes, tels une fascination exacerbee du vedetariat, le demolissage sur les forums et des usurpations d’identites, toutes des derives malheureusement assez communes de nos jours

, et meme si les formes et modes ont change depuis ( p.ex. exit Geocities

et bonjour Zwitter ou Fessebouc ).
Le tout donne ainsi un etrange cachet a la fois “vintage” et…contemporain.
Etonnant aussi, que le metrage parvienne a eviter l’ecueil du cynisme pur et dur, pour plutot jouer la carte du regard desabuse sur un univers qui n’a de glamour que sa façade, l’envers du decors etant limite “glauque”.
Un film parfaitement maitrise et fortement recommande, mais dont le contenu le reserve a un public adulte et averti, voire peut-etre aussi a ceux qui revent un peu trop au vedettariat….?
Perfect Blue: 5 / 5
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.