Durant la prohibition, Elmer Gantry, représentant de commerce grande gueule, devient prédicateur au sein d'une troupe de religieux itinérants qui organise des conversions de masse. Ces "revivalists", menés par une dénommée Soeur Falconer, deviennent de plus en plus populaires grâce aux prêches échevelés de Gantry...
Pour Burt Lancaster, les années 40 ont été celles de la révélation, en particulier avec les Films Noirs de Siodmak et les années 50 celle sde la starification, en particulier avec des rôles à cascades qu'il exécute lui-même. Les années 60 sont celles de le maturité et de la reconnaissance, avec les films de Frankenheimer, "Le guépard" et cet "Elmer Gantry" qui lui vaut le seul Oscar de sa carrière.
Adaptation d'un roman de Sinclair Lewis des années 20, le film inscrit son action dans cette période et se déroule dans le milieu des prêcheurs itinérants arpentant les régions rurales et populaires des Etats Unis, organisant des conversions de masse et organisant des cérémonies entre religion et show business. Des opportunistes et des illuminés prennent alors un ascendant dangereux sur la vie publique en tirant les leviers de la démagogie et du fanatisme, prétextant un retour nécessaire à la "religion ancienne" et à des valeurs rétrogrades.
Le sujet de ces prêcheurs hors de toute église est quand même très américain et n'est pas forcément évident à appréhender pour les spectateurs français. Brooks propose un film-fleuve de presque 2H30, relatant la carrière de précheur d'Elmer Gantry, personnage hableur, sans scrupule qui, pourtant, au gré de ses expériences et de ses méfaits, va évoluer, changer. Peut-être pour s'améliorer, mais la casse aura quand même été faite. Dans la tradition des "grands films qui dénoncent" comme en a produit régulièrement United Artists à cette époque, nous n'échappons pas à quelques grandes scènes de déclamation attendu, à des choses un peu prévisibles dans le "genre" (le journaliste héroïque, ici incarnation totale de la bonne pensée libérale contre les obscurantistes religieux).
Les portraits de Gantry et de soeur Falconer sont plus intéressants, car dépeints avec beaucoup de richesse, reflétant deux facettes de cette foi populaire proche de l'hystérie collective : Gantry l'arriviste, avec sa rouerie démagogique d'une part, Falconer se pensant sincère et "pure", petit soldat de Dieu d'autre part.
Très riche, mais un peu long, compensant une indignation un peu attendue par une réelle profondeur dans la peinture de ses personnages ainsi qu'une mise en scène et une interprétation d'une grande robustesse, "Elmer Gantry" est un film plongeant un regard affuté sur les périls d'une forme de religiosité assez spécifique - mais parvenant aussi à frapper de façon assez universelle dans les contradictions et les scories des sentiments religieux collectifs.
Vu sur le dvd zone 1 mgm sorti en 2001. Un disque vénérable donc, mais qui tient bien la route, avec un transfert 1.66 4/3 dénué de tout bidouillage du genre edge enhancement, et avec un rendu très pellicule et naturel. L'image pourrait être plus affutée, il y a des saletés assez fréquentes (en particulier des gros poinçons de fin de bobines ou des petites tâches régulières), mais pour un film ancien dans une édition qui a bientôt dix ans d'âge, c'est tout de même du travail acceptable. Bande son mono anglaise 2.0 de qualité correcte, à part un générique de début dont la musique pleure bizarrement. Transfert ntsc progressif et compatible 24p ! Avec VF et STF.
MGM a aussi sorti ce dvd en zone France en 2003...
Au vu de sa notoriété et de la réputation de sa photo en particulier, une référence en matière d'images en couleurs, "Elmer Gantry" mériterait bien un bluray !
