
En 1954, la cuvette de Dien Bien Phu, base française importante, se retrouve assiégée par les troupes vietnamiennes qui parviennent à placer leurs pièces d'artillerie à des endroits stratégiques, puis à commencer un lent et impitoyable combat d'attrition...
Pierre Schoendoerffer est un réalisateur unique dans le cinéma français, il s'est spécialisé dans un genre rare dans notre cinéma - surtout depuis la seconde guerre mondiale : le film de guerre. Par ailleurs, son regard sur la guerre, il ne l'a pas hérité de visionnages du cinéma américain, mais de première main, en tant qu'engagé dans le Service Cinématographique des Armées durant la guerre d'Indochine.
Il était ainsi caméraman à Dien Bien Phu où il fût fait prisonnier lors de la reddition des troupes françaises. Il porte donc un regard exact sur cette guerre, mais surtout sur l'armée française, ses spécificités et ses valeurs particulières - les notions presque aristocratiques de "devoir" et d'"honneur" en particulier.
Il était donc le réalisateur idéal pour tourner ce "Dien Bien Phu" très grosse production française, tournée au Vietnam avec l'assistance des armées françaises et vietnamiennes. Le film est en fait divisé entre deux points de vue alternés : les scènes à Dien Bien Phu, et les scènes à Hanoi.
Les séquences de Dien Bien Phu sont réussies, intelligentes, souvent spectaculaires, mais jamais dans un sens grossier ou putassier du terme. Le point de vue de Schoendoerffer esttrès ancré dans un bon côté du cinéma français, anti hollywoodien, avec un regard rigoureux, net, se tenant à distance respectueuse de ses personnages, de l'action. Ce qui pourra décontenancé plus d'un spectateur. Cette partie à Dien Bien Phu est vraiment une réussite.
La partie à Hanoi est hélas moins convaincante. Le point historique est clair - pendant que les combattants dégustent à Dien Bien Phu, la société coloniale vit dans l'indécision et la futilité, vouée à un inéluctable déclin. Mais tout cela passe par des scénettes disjointes, parfois clichés, avec des personnages superficielles - Ludmila Mikael qui ne sert franchement à rien, ou clichés - Donald Pleasance en journaliste à la Ernest Hemingway, tout cela étant ponctué de dialogues trop écrit.
Sans doute la faiblesse de "Dien Bien Phu" est de ne pas avoir vraiment de personnages centraux forts unifiant cet assemblage de vignettes un peu trop éclaté. Historiquement et cinématographiquement, Pierre Schoendoerffer signe un film singulièrement droit dans ses bottes, mais il est facile de comprendre pourquoi le public n'a pas adhéré. La narration est disjointe, les ruptures de ton brisent trop souvent l'élan du film.
Et puis, il faut bien le dire, c'est aussi un film aigre, un film sur la défaite, son amertume, l'amertume de soldats se sentant trahis, abandonnés dans une guerre faite à moitié, pour une cause déjà perdue. Un sentiment retranscrit en profondeur dans les dernières scènes de ce métrage qui a certes ses défauts, mais qui reste un film d'Histoire de haute tenue, intègre.
Ce fût un gros bide à sa sortie. "Indochine" de Régis Wargnier, au regard autrement plus romanesque, sortit un mois plus tard et connût un triomphe !
Sorti en dvd chez tf1 video.
