Troisième "vrai" long métrage (si l'on excepte donc la co-real "Voyage au pays de la peur") d'Orson Welles, "Le criminel" apparait souvent comme une œuvre mal-aimée dans l’impressionnante filmographie du maitre. Mal aimé par son auteur en premier lieu, en effet, Welles dira régulièrement à propos de ce film qu'il s'agit de son moins bon, allant même jusqu'à annoncer : "Il n'y a rien de moi dans Le criminel. Je l'ai tourné pour montrer à l'industrie que je pouvais tourner un film standard hollywoodien, dans les limites du temps et du budget". La sentence est lapidaire, et pourtant le film mérite une certaine réévaluation, car si on est loin des sommets de Welles, on a tout de même un petit polar post 2de guerre des plus fréquentables !
Le film est assez classique, aussi bien dans le fond que dans la forme. Il s'agit en somme d'une petite histoire de suspense en mode "Columbo", à savoir que plutôt que de chercher à savoir qui est le Criminel en question, on cherche surtout à savoir comment il va se faire prendre. L'intrigue est donc relativement cousue de fil blanc et sans grande surprise, mais on se laisse embarquer sans mal dans le jeu jeu. Le casting trois étoiles aide grandement à faire passer la pilule, Edward G.Robinson étant une fois de plus impeccable dans son rôle d’enquêteur qui ne lâche pas prise, et Welles faisant des merveilles, dans une sorte de variante plus névrosé et moins dandy de son Harry Lime du "3e Homme". La mise en scène est assez sage, en ce sens on comprend les paroles de son réalisateur, qui a troqué ses expérimentations habituelles contre un découpage beaucoup plus académique. Ceci étant, on aimerait que tous les faiseurs d'Hollywood aient su faire preuve d'une telle maitrise lors de commandes en pilotage automatique. On trouve encore, ici ou là, des plans, des cadrages, qui nous rappellent qui est derrière la caméra, mais c'est vrai aussi qu'on ne tutoie pas les sommets de folie et d'inventivité d'autres pièces de choix de sa carrière.
En définitive, un agréable thriller, rien de révolutionnaire, un côté très classique, très film de studio, à l'ancienne, mais bien exécuté, bien joué, suffisamment riche pour ne pas faire tache dans la filmo hors norme de Welles, et qui mérite mieux que sa réputation de vilain petit canard !

Le film a connu un paquet d'éditions en tous genres, il est plus ou moins libre de droits je crois, ce qui fait qu'on le croise chez Bach, chez les Vintage Classic de Wild side, chez des inconnus, mais aussi chez MGM. C'est cette édition que j'ai vue, plutôt correcte. Pas d'énorme travail sur l'image ou le son, pas mal de petites taches, de scratchs et autres, mais rien d'insurmontable ou de trop envahissant, et une copie très regardable, encodage solide, son clair, bref, je pense qu'on doit trouver largement pire ds les autres DVD....