Par l'auteur du déjà excellent ACAB en 2011 (et fils de Sergio Sollima au passage).
Adapté du roman éponyme, Suburra raconte les 7 derniers jours avant l'Apocalypse, à rebours depuis le 5 novembre 2011 (les amateurs de politique italienne auront compris de suite de quoi il s'agit). Histoires croisés de démission du pape, de politique (Pierfrancesco Favino, héros de ACAB) goinfré de coke et de putes qui voit une mineure mourir en sa compagnie, d'un parrain de la mafia romaine (Claudio Amendola), en voie de faire un gigantesque projet de Casinos géants sur Ostia (ville de bord de mer près de Rome), d'une petite frappe ultra violente (Alessandro Borghi), patron du terrain d'Ostia, et d'une famille napolitaine mafieuse (Adamo Dionisi) qui vont graviter autour d'une escalade inéluctable de violence et de morts.
Putain quel film

Il existe un mélange de tout ce que l'Italie peut produire de négatif, répugnant, sale et vomitif. Un mélange de mafia/politique/religieux/malavità où chacun est interconnecté : petits arrangements, assassinats, règlements de compte.. de la moindre toxico au parlementaire, tous ont leur mot à dire pour exister, bénéficier de pouvoir.
2H15 d'un visuel sombre, pluvieux, d'une société en perdition et qui refuse de la voir. C'est un portrait d'une Italie en voie de dévisser, mais qui vit sur son économie secondaire et ses règles en sous-couche depuis des année sans que chacun n'y trouve vraiment à redire.
Sollima orchestre ce portrait de groupe croisé de façon magistrale. Une photographie multi-niveaux, avec un Scope ample, là aussi à plusieurs niveaux de lecture. Une Rome aux antipodes de celle (tout aussi riche en critiques de la ville) de La Grande Bellezza, mais au constat tout aussi amer. Il y a quelque chose de pourri, et ça remonte du caniveau vers la surface. Ostia, station balnéaire prisée, toute jolie même refaite en 2014 pour la partie la plus septentrionale, est en fait (et on l'oublie souvent) un creuset de familles violentes, de drogue, de pauvreté, d'agressions... - là où fut assassiné Pier paolo Pasolini, d'ailleurs. (dont un film vient justement de sortir au cinéma sur sa mort plus politique qu'autre chose)
Sollima veut également faire du politique un responsable de premier niveau, et on retrouve le même travers que dans ACAB, à savoir des scènes lourdes de démonstration (Favino dans le d1/4 d'heure final). Mais c'est bien peu comparé à l'énorme coup de poing que le film se permet d'être pendant 2h15.
Vu sur le Blu Ray italien de chez 01 Distribution: DTS HD MA 5.1 exceptionnel, qui vibre de tous les canaux. Son précis, déploiement incroyable d'ambiances arrière, d'éléments naturels (pluie, vent...) qui habitent le film. La musique de M83 et de Pasquale Catalano collent parfaitement au désenchantement général qui emplit le film. 2.40:1 , avec des sta et sti.

Je l'ai hélas manqué au cinéma où comme ACAB, il s'agit d'une co-prod française/italienne qui est sortie dans une relative indifférence. C'est fort fort dommage, car il s'agit, rétrospectivement, du meilleur film sorti en 2015 que j'ai pu voir.
Très vivement recommandé!
(à noter que le Blu Ray français arrive dans deux semaines : foncez)