[The Shadow over Innsmouth]
A Tokyo de nos jours (en 1992, quoi), Hirata Takeyoshi, un journaliste est sujet a d'etranges visions qu'il parvient a lier grace aux archives de son journal au village cotier recule d'Insumasu. Il convainc son editeur de lui permettre d'y aller pour effectuer un photo-reportage.
Howard Philips Lovecraft, ou H.P. Lovecraft, un nom qui resonne comme bien des cauchemars aux amateurs de fantastique. Malheureusement aussi comme un lot de promesses inaccomplies, tellement l'auteur est considere comme inadaptable au cinema ou a la television. Certains s'y sont essayes pourtant. En court, moyen ou long-metrages, en festival, a la television ou au cinema.
La qualite sera variable, dependant des budgets alloues, de la passion des personnes impliquees et surtout de la "vision" amenee pour mettre en images les terribles univers de l'auteur. Les risques d'une telle aventure sont nombreux: trop de libertes avec le materiel original, adaptation trop literale, trop d'ambitions ou pas assez de moyens.
En effet, la question a laquelle il sera le plus difficile d'apporter une reponse sera de comment representer ce qui n'a pas de forme, ce qui ne peut etre decrit et dont la simple vision cause soit la mort, soit pire, la folie?
Au final, et fesant face au desistement des grands studios, des amateurs ou petites societes a travers de nombreux pays s'y sont essayes.
L'entree presente sera ainsi japonaise et tournee en 1992 pour la television, pour l'encart de variete Gimme a Break TV (1989) de la chaine TBS et pendant laquelle entre deux programmes de varietes, se faufilerent quelques doramas (ou plutot TV Specials [telefilms]) dont le present IooK.
Au scenario, l'on retrouve Chiaki Konaka (Armitage III OVA (1995), Devilman Lady TV (1998), The Big O TV (1999) ), scenariste prolifique en matiere de fantastique dans l'industrie de l'animation et du tokusatsu, voire de l'horreur japonaise (Shiryou no Wana 2: Hideki (1992) [a.k.a. Evil Dead Trap 2 ].
Certains elements passent tres bien l'acclimatisation "culturelle", tel la "localisation" des noms lovecraftiens (Innsmouth devenant Insumasu et Arkham ou Dunwich gagnant eux aussi une prononciation nippophone ainsi qu'une lecture en ideogrammes nippons).
Cote production-values, ces dernieres sont limites (comme pour toute production televisuelle nipponne qui se respecte!

Si l'image du Japon imprimee dans l'inconscient collectif mondial est celle d'un pays hyper-moderne fesant le grand ecart entre traditions ancestrales et un futur garanti par une supra-technologie, il faut savoir que le "monde de demain" japonais s'arrete souvent aux limites de grands centres urbains (Tokyo, Osaka, Kyoto, Kobe, Sendai, Nagoya et autres grandes villes) et que le pays pullule de petits villages, hameaux ou villes en pleine montagne, en region cotiere, ou dans la foret, sortes de derniers bastions de la civilisation avant...'Ben avant quoi? La non-civilisation? La nature? L'inconnu des espaces reserves aux dieux, aux yokais et aux traditions et ou l'homme, qui meme s'il penetre ces lieux, ne reste pas.
Notons egalement que nombre de ces petites agglomerations a force de voir leurs forces vives (les jeunes generations) partir, laissant derriere eux les plus ages, se verront deperir, livrees aux intemperies et rongees par la rouille.
C'est ainsi une bonne transposition geographique des univers degeneres de Lovecraft que de les situer dans les lieux livres a l'abandon dans l'archipel.
La religion japonaise du Shinto (de l'animisme en fait), fait que les traditions sont souvent TRES locales et liees au folklore au mieux regional, voire franchement local, sied a merveille a une transposition local des effroyables cultes lovecraftiens. Tout comme d'ailleurs le grotesque consomme de l'horreur traditionnelle japonaises, faite generalement de deformations (mentales, physiques ou spirituelles).
Le tout donnera donc grace au scenario et sous la realisation de Konaka un metrage simple (et previsible--comme souvent chez Lovecraft!), sombre, lourd, tres restreints dans ses (non-)debordements et comme assez souvent dans les adaptations des oeuvres de l'auteur, et aussi...un peu frustrant au final. Comment pourrait-il en etre autrement?
A la musique, l'on retrouvera Kazz Toyama, ayant deja oeuvre sur une BO d'horreur literaire (Teitou Monogatari OVA (1991), ak.a. Doomed Megalopolis [Tales from the Capital] et qui livre ici une partition plus triste, seule, desolee et abandonnee qui va assez bien avec l'idee qu'on peut se faire des lieux.
Dans le role principal, l'on retrouve le pillier de la television nationale (et un peu le cinema) qu'est Sano Shirou pour interpreter le reporter tokyoite qui ignore encore sur quelles traces il vient de se lancer.
Une production sympathique et competente, mais qui reste (comme beaucoup d'autres) surtout "en surface" des ombres et gouffres suggeres par Lovecraft. Moins, un incunable qu'une curiosite. A voir neanmoins, ne fut-ce que pour la "greffe" culturelle, ma foi, tres reussie.
Innsmouth o ou Kage: 3.75 / 5