
Il y a longtemps, dans trois royaumes, se déroulent des contes extraordinaires. Le Roi de Selvascura part chasser un monstre marin pour en ramener le coeur ; en effet, un rebouteux lui a assuré que son épouse stérile enfantera après avoir dévoré la viscère. Le Roi de Roccaforte, un infatigable débauché, s'éprend d'une teinturière recluse après avoir entendue sa seule voix : il ignore qu'il s'agit en fait d'un vieille laide... Le Roi d'Altomonte se prend d'une fascination déraisonnable pour une puce, à tel point qu'il néglige ses responsabilités et l'éducation de sa fille...
S'inspirant des contes napolitains de Giambattista Basile, écrivain du XVIème siècle, Matteo Garrone choisit de mettre les pieds dans un domaine lui étant alors étranger : celui du fantastique. Comme dans son "Gomorra" (au tout autre sujet), le film relate plusieurs histoires en les entremêlant et en les connectant discrètement. Ayant la main lourde sur le gore et l'érotisme, "Tale of Tales" n'est pas pour les enfants et rappelle en ce sens les films de la trilogie de la Vie de Pasolini, transpositions de contes venus de classiques de la littérature ancienne (Le décaméron, Les contes de Canterbury, Les 1001 nuits).
Objectif ambitieux, film à gros budget, avec effets spéciaux, distributions d'acteurs internationaux... Et pourtant, le résultat est bien raté. Ces décors foisonnant et ces forêts profondes rappellent "Les frères Grimm" de Terry Gilliam, un combat sous-marin primitif renvoie au souvenir de Karel Zeman ou Georges Méliès, certains des contes les plus cruels et les plus sensuels peuvent évoquer "La compagnie des loups"... Bref beaucoup de souvenirs du cinéma merveilleux sont évoqués. Mais souvent en vain.
La faute à mon sens à un manque de contexte, avec ces royaumes italo-hispanisants, peu définis, ses personnages sortis de nulle part dont on ignore tout (les deux vieilles teinturières), ces alternances parfois confuses entre les histoires. La photo ultra-lumineuse, le scope plat, donnent une apparence lisse et sans personnalité à cet univers. Les costumes semblent sortir tout droit de l'atelier, les effets spéciaux de maquillage pourtant soignés affichent alors des textures très plastifiées... Le travail artistique est certes évident, mais il aboutit à un résultat discutable, à une ambiance néo-renaissante flirtant avec le kitsch (le dernier plan du film illustre à mon sens particulièrement ce défaut de style).
Bref, j'ai eu bien du mal à rentrer dans "Tale of tales", et si je suis parvenu à me laisser emporter au bout d'un long moment, c'est pour mieux être déçu par les fins de ce métrage : l'histoire de la reine de Selvascura a un dénouement confus, celle du roi de Roccaforte n'en a pas vraiment, seul le troisième conte a une fin se tenant.
Bref, Matteo Garrone se rate bien avec son "Tale of tales", reçu dans l'indifférence à sa sortie en salles et à sa présentation à Cannes, pour de bonnes raisons à mon avis. Film au propos et aux intentions peu claires (à part "faire des contes de fées pour adultes"), écriture sans épaisseur, cinéma sans émotion. Je ne peux que rejoindre la critique de Christophe sur le site. Et encore, je le trouve bien modéré !
http://www.devildead.com/indexfilm.php3 ... des-contes
Vu sur ciné + replay copie 2.35 SD 16/9, VM anglaise stéréo STF.