Re-vu a l’instant via une diff’ de la NHK nationale, bouquet BS (pas de pubs).
Un sentiment etrange et un certain malaise aussi a vrai dire...
En fait, il m’est difficile de statuer sur le film et de séparer ce qu’il est (une comédie musicale) et de comment on peut (y compris bibi) peut le percevoir.
Realise en 1956 et base sur une biographie “
Anna and the King of Siam”, écrite par Margaret Landon en 1944, biographie elle-même basée sur les mémoires d’Anna Leonowens “
The English Governess at the Siamese Court (1870)”, basees sur son expérience de gouvernante et enseignante a la court du roi Mongkut la décennie precedente.
Remis dans leurs différents contextes, ces différentes époques mettent deja un peu mal a l’aise.
Leonowens, sujette britannique, féministe et nee en Inde; une colonie britannique. Ses mémoires sont publiées a l’etranger (aux USA) et fut d’emblée taxées de sensationnalisme par certains, voire interdit (en Thailande).
La biographie de Landon est écrite aux USA, et ce, après avoir séjourné au Siam en tant que missionnaires avec sa famille et y avoir découvert l’histoire de Leonowens.
On notera deja deux filtres: l’un féministe et l’autre religieux et deux époques (2 siecles en fait): une epoque, celle de la domination britannique et l'autre, celle de la guerre américaine dans le Pacifique et contre un enemi "asiatique", ce qui fait un beau beaucoup et rend le contenu (hors fantaisie musicale) a prendre avec des pincettes…
La comédie musicale n’a bien sur aucune vocation a jouer un role éducatif, voire peut générer une curiosité des plus saines, mais aussi pas mal de stereotypes.
Au passage, un truc assez rigolo est que La Case de l'Oncle Tom-Siam style m'a beaucoup fait penser a des arts vivants...japonais(!!). Les maquillages
faciaux blancs font penser aux masque du Noh, les hommes en noirs fesant "neiger" a ceux du Bunraku (le theatre des poupees), la dramatique (exagreree) en elle-meme au Kabuki. Hasard ou "inspiration"? Quoiqu'il en soit, TRES etrange? (Bon, les costumes sont 100% thais.)
Epoque de la sortie du film, on est bien sur en plein whitewashing (acteurs maquilles pour jouer les roles “natifs”), mais aussi un cote exotique-fantasme aussi joli que…pas forcemment recommendable au final.
Full disclosure: bibi ne connait (directement) de l’Asie que son patelin nippon et ne connait pas du tout la Thailande mais TKaI me rappelle furieusement Memoirs of a Geisha (2005) ou The last Samurai (2003) qui tiennent plus de la carte postale fantasmee genre image d'Epinal qu’autre chose, et ce a un point ou pour TlS, en salle, les autres spectateurs (y compris ma femme) ne pouvaient s’empêcher de ricaner devant certaines scenes du film.
En aparte, le contexte (le roi Mongkut qui invite une gouvernante pour apprendre le monde extérieur a ses enfants) rappelle étrangement l’ouverture de l’empereur japonais Meiji qui ouvrit le pays a l’occident pour le faire avancer.
En ce qui concerne TKaI, le gros problème est que le point de vue est purement occidental et porte sur une culture radicalement différente a tous les niveaux: social, religieux, hiérarchique, etc.
Le point de vue étant britannique a la base (les mémoires de Leonowens), il n’y a sans doute qu’a demander aux hindous ce qu’ils pensent de l’imagerie anglaise véhiculée sur leur pays et la gouvernance anglaise pour voir a quel point un unique point de vue peut etre biase…
Pour être complet, il faut mentionner quand meme aussi que la Thailande a banni le films de 1956, celui de 1946 et de 1999 (Anna and the King) et la série TV de 1972 (Anna and the King). Moins un “droit de reponse”, qu’un rejet total de la discussion. Ceci n’aidant pas a dissiper les malentendus non plus…
En tant que vision fantasmee, soyons francs: le film est magnifique. Malheureusement, il est VRAIMENT difficile de faire abstraction du contexte, des contextes et de l’uniteralite du point de vue. Une culture non-identifiée ferait passer la pillule, mais bon.
Pour en revenir a l’aspect musical du film, c’est sympa mais a vrai dire, Bibi reste moins convaincu que par d’autres films du genre.
Ainsi, Kerr est doublee et Brynner sonne bien, mais rien de transcendant non plus.
(Full disclosure 2: Bibi a une voix de crécelle, refuse donc toute invitation dans les Karaoke et reconnait donc aussi que les talents de Brynner sont a des annees-années-lumières des siens.)
On n’est pas au niveau (catastrophique) de Crowe dans Les Miserables (2012), mais ca me parait “bon”, sans plus.
Par contre, l’opposition entre les deux caractères: la flamboyance de Brynner et le temperament de Kerr passe comme une lettre a la poste. De nouveau, par contre, il faudra faire abstraction du fait que c'est generalement Kerr (l'occidentale) qui met Brynner (l'asiatique) en boite...
Au final, l’on a donc un film visuellement
magnifique,
très bien interprété, mais plutôt balise comme comédie musicale. En fait, un film qui mériterait un traitement plus dramatique et realiste(!), mais un réalisme étayé de recherches plus impartiales.
The King and I: 4.0 / 5 (ca se laisse voir sans problèmes, mais il est conseille de s’abstenir de réfléchir trop en avant. Selon les sensibilites, ca pourrait etre difficile pour certains...)
P.S. Je serais assez tente de re-voir la série TV (vu via les chaines allemandes dans les années ‘70s). Il me semble qu’elle n'est pas musicale et propose des elements comportements absents du film et (je crois) plus “abrasifs” (i.e. roi qui met a mort ou veut mettre a mort des sujets)
P.P.S. Je peux me gourrer, mais il n'y avait pas un des forumeurs qui vivait du cote de--justement--la Thailande? Si oui, je serais assez curieux d'entendre son opinion sur le film?
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.