Bellissima - 1951 - Luchino Visconti

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Manolito
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Bellissima - 1951 - Luchino Visconti

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Maddalena Cecconi, une infirmière romaine, inscrit Maria, sa fillette de 5 ans, à un concours d'enfants acteurs organisé à la Cinecitta. La petite gagnante aura un rôle dans un film de cinéma ! Maddalena est prête à tout pour forcer le destin et faire de sa fille une Star...

Après l'accueil tiède reçu par sa fresque sociale "La terre tremble", Luchino Visconti se rabat sur un film encore néoréaliste, mais dans un sens plus commercial et moins intransigeant. Basé sur un sujet de Cesare Zavattini, grand scénariste de ce courant (notamment aux côté de De Sica pour "Le voleur de bicyclette" et "Miracle à Milan"), "Bellissima" est co-écrit par Visconti, Francesco Rosi (encore son assistant sur ce métrage) et Suso Cecchi d'Amico. Il s'agit d'une scénariste majeure du cinéma italien : ce sera sa première collaboration avec Visconti, dont elle restera une proche loyale jusqu'à son dernier film. Le costumier Piero Tosi fait ses premières armes au cinéma avec ce long métrage : il restera lui aussi un fidèle des fidèles à l'équipe de Visconti, et deviendra un maître reconnu dans son domaine.

Le sujet de "Bellissima", critique acerbe des rêves idiots que le cinéma fait naître chez les spectateurs trop influençables, satire d'un milieu du cinéma dépeint comme non recommandable, peut paraître bateau ; et Visconti se plonge dans ce projet en partie par dépit de ne pas pouvoir réaliser des projets plus personnels, en partie aussi pour pouvoir travailler avec Anna Magnani, alors la plus grande star féminine du cinéma italien, actrice qu'il admire.

Incarnation de la femme du peuple romain, forte personnalité à l'abattage sans commune mesure, elle interprète ici une mère emporté par les rêves de gloire naïfs qu'elle conçoit pour sa fillette. Elle se livre alors elle et sa famille aux griffes d'individus peu recommandables, d'escrocs et de parasites en tous genres qui gravitent autour des studios de cinéma romains.

Ce sont en partie de vrais techniciens qui jouent leur propre rôle dans le métrage : le grand réalisateur Alessandro Blasetti ("La couronne de fer") joue ainsi le metteur en scène, on reconnaît aussi le directeur artistique Mario Chiari par exemple...

Le film est en partie comédie à l'italienne, en partie drame néoréaliste. C'est d'ailleurs le seul long métrage de Visconti qu'on puisse considérer comme une comédie !

Maria ruine sa famille pour ses projets fous, maltraite sa fille sans mesure et ne voit pas ses souffrances. Ce qui rend d'ailleurs ce personnage, présent à l'écran quasiment du début à la fin, peu sympathique. La Magnani est une tornade d'énergie, à la volubilité déchaînée. Si avec "La terre tremble", Visconti montrait par l'exemple son idée de ce que pourrait être un grand cinéma de qualité, avec "Bellissima", il tend plutôt à dénoncer les travers commerciaux de l'industrie du cinéma italien alors en pleine reconstruction : le culte des vedettes, des apparences, les célébrités futiles, toute une industrie rapace, toute une mécanique à rendre bête le public...

"Et tout ça, c'est notre responsabilité !" comme le dit le réalisateur Blasetti à la fin de "Bellissima".

"Bellissima" qui se conclut sur une blague clin d'oeil à propos de Burt Lancaster... plus de dix avant qu'il ne tourne dans "Le guépard" de Visconti !

En toute honnêteté, même si la mise en scène de Visconti est toujours virtuose, le film remarquablement écrit et parfaitement interprété, "Bellissima" n'est pas mon film préféré de son réalisateur ; la faute à un sujet peut-être trop banal, quoique traité avec une réflexion très approfondie ; et puis la Magnani est totalement à plein régime, "Bellissima" paraît la moitié du temps hurlé plutôt que parlé. Il plane aussi une certaine misogynie sur ce projet, en particulier dans la peinture des voisines habitant l'escalier des Cecconi, véritable volière hystérique défendant comme une seule femme la conduite irresponsable de Maddalena. Bref, du grand cinéma bien fait, certes, bien que "Bellissima" ne soit pas le plus ambitieux des films de Visconti, un film avec ses moments forts, ses moments d'émotion (le témoignage de la jeune actrice qui a laissé tomber son métier après deux films)... Mais quand même le premier des Visconti "mineurs" (pour ce que cela veut dire dans la filmographie d'un réalisateur aussi majeur !)

Vu sur le dvd medusa italien, très belle copie 1.33 4/3 noir et blanc à laquelle je ne trouve aucun défaut, très impressionnant pour un métrage qui a plus de 50 ans ! VO italienne mono très bien, aussi proposée remixée en 5.1. Avec STA. En bonus, des entretiens avec Piero Tosi et Francesco Rosi. Un très bon dvd, très recommandable.

Il existe un dvd français chez Films Sans Frontières (épuisé il me semble), mais je n'ai guère confiance en cet éditeur.

"Bellissima" non plus n'est pas encore sorti en bluray.
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