Les Compagnons de Baal TV (1968) – Pierre Prevert
Reprenant le flambeau d’un collegue mort dans de mysterieuses circonstances, un jeune journaliste et son collegue, ainsi qu’une temoin plutot “genante”, vont se trouves confrontes a une societe secrete vouee au mal et possedant des ramifications dans le temps et la societe; les Compagnons de Baal…
LCdB est une serie en sept episodes creee par Pierre Prevert et Jacques Champreux, produite par et diffusee sur la deuxieme chaine de l’ORTF.
Etrange—et court—parcours que celui de Pierre Prevert, frere cadet de Jacques Prevert (Les Disparus de St. Agil (1938), Les Visiteurs du Soir (1942), Le Roi et l’Oiseau (1980) ), qui dans l’ombre de son illustre frere, fit un peu de figuration au cinema entre 1930 et 1947 et n’aura accouche entre 1932 et 1968 et en plus de la presente serie, que de 10 metrages (dont deux documentaires et deux court-metrages!).
Avec LCdB, Pierre Prevert, s’attaque a une autre “oeuvre familiale”, celle ecrite par le petit-fils de Louis Feuillade (Les Vampires (1915), Fantomas (1913), Judex (1916) ); Jacques Champreux, qui lui-meme visait a rendre via LCdB un hommage a l’oeuvre cinematographique de son illustre ailleul.
A l’epoque, LCdB fut cependant diffusee en deuxieme partie de soiree et marquee du sceau de l’infamant carre blanc.
Si l’”odeur de souffre” qui emanait d’un tel sujet—une secte satanique qui a des visees quant a la domination du monde, reservait le sujet a un public “adulte et avise”, de nos jours la serie ne fera sans doute pas faire de cauchemars aux petites tetes blondes, habitués a bien pire depuis.
Cependant, ramener la serie a ce simple constat serait lui faire injustice, car il s’agit essentiellement d’un hommage aux publication de types “romans a episodes” ou aux serials (muets) des debuts du cinema, contrat que la serie remplit avec facilite dans les (naives) intentions…meme si avec quelques “accros” dans le details. Explications…
L’on retrouve ainsi avec—selon les cas—bonheur…ou lassitude, les “figures imposees” du genre; une secte / un gang impitoyable dirige par un inhumain maitre d’oeuvre, un valeureux hero, son faire-valoir—et leur amie, un allie (plus age) fesant office de figure paternelle, une serie de crimes varies et plus que nombreux(!).
Notons au passage, qu’en ce qui concerne ces derniers, le body-count est, pour l’ORTF de l’epoque, quand meme assez incroyable
! Precisions aussi que les meurtres sont amoureusement ponctues de petits details qui ont du faire frissonner nos (grands)-parents.
Ainsi, cris d’horreur ou d’agonie, verbiages satanistes (a une epoque ou les eglises ne desemplissaient pas encore), utilisation d’armes variees allant du sulfatage a la mitraillette a l’etranglement et passant par une panoplie d’armes blanches mettent resolument la barre assez haut dans la violence televisuelle (etatique) des annees 60s.
La trame de base (le complot d’une organisation criminelle sectaire) est egalement depuis devenue l’une des “routines” d’un certain cinema populaire, et se retrouve notamment dans plusieurs series ulterieures, telles; L’Homme sans Visage TV (1975), serie due au meme Jacques Champreux, ou de Les Compagnons d’Eleusis TV (1975).
Au grand ecran, Rosemary’s Baby (1968) ou Race with the Devil (1975) font un echo sataniste intimiste ou testosterone a la presente serie, tandis que toujours aux Etats-Unis The Invaders TV (1967) preferera une “cinquieme colonne” d’origine extra-terrestre. Les annees 70s verront elles, les complots se politiser, delaissant petit a petit les frissons naïfs qu’affectionnaient nos aieux.
L’un dans l’autre, avec LCdB, c’est donc un roman 100% populaire qui nous est narre a l’ecran, une veritable emanation de l’”enfer” des publications populaires et de leurs adaptations cinematographiques du debut du siècle.
La, ou le bat blesse cependant, est que, malheureusement, la realisation (de Prevert) n’est pas toujours a la hauteur des intentions du scenariste (Champreux), lui-meme pas toujours a la hauteur…de ses ancetres...ou de ses references…
Ainsi, la realisation de Prevert tend a tirer assez souvent en longueur les scenes (l'echange du mot de passe entre les adherents de Baal) ou pans d’histoires (p.ex. la secte animaliere de Cosmo-Chronos) ou du moins leur donner une langueur assez discernable. Ceci n’est pas toujours un probleme de dialogues superflus ou de manque d’action, mais aussi parfois peut-etre plutot de direction d’acteurs, des acteurs eux-memes, voire peut-etre de format (+/- 55 minutes par episode).
Ainsi, pour sa tentative, et meme si le rythme haletant des publications culminait en des "cliffhangers" dementiels (Fantomas) ou les retournements de situations parfois alambiques (Arsene Lupin), ces derniers se voient ici sacrement ralentis par les codes et “tics” de realisation du moment—sans compter les moyens techniques a disposition, et ou l'envergure de certains episodes ou scenes se voient (fortement) limitee a grand renfort d’elipses narratives pour cause de moyens financiers (limites) de la television de "papa" ou "grand-papa".
Quoiqu’il en soit, le recit—deja nettement moins alerte qu’un volume des mefaits de Fantomas chez Fayard, semble soudainement ralentir d’un cran…Ceci est surtout marque dans la premiere partie de la serie, la deuxieme se revelant pour “entrainante”.
Epoque oblige, le cote “Fantomas de roman” s’efface souvent devant le Fantomas re-looke d’Andre Hunebelle (1964 - 1967); grottes secretes—en noir et blanc et en plus depouillees (“vides” en fait
), ecrans TV—souvent eteints
, le tout matine d’ambitions demesurees (domination du monde incluse!)—la serie se focalisant cependant plus sur des crimes “classiques”. Ceci resultant en une sorte de “patchwork” entre deux epoques et tendances sans clairement prendre parti, donnant un rendu quelque peu inegal. Quoique, entre Euro-spy, Euro-crime ou autre Spy-Mania, cet element ne derange que peu au final.
Ce que la serie se defend par contre, est de rendre le ton (volontairement) humoristique et de pratiquer la gaudriole, tendance incarnee par un DeFunes au detriment d’un Marais dans les relectures plutot pop des annees 60s.
Cela dit, certains elements, paraissent pourtant peu appropries. Ainsi, meme si l’on est encore a des annees-lumieres de la “Gendarmexploitation” de la decennie suivante, ces derniers—et leurs collegues de la PJ—sont, pour les premiers gentiment ineptes, ou pour les deuxiemes, tendent mechamment a ramer ou a se montrer peu adroits dans leur lutte contre le crime. L’on est assez loin de l’efficacite d’un commissaire Juve ou encore d’un Lestrade.
A part cela, force est de constater que, deja en 1968, il n'y a pas grand-chose de neuf dans l'univers du bis avec LCdB.
La serie de Jacques Champreux ne fait que s'attaquer a un nouveau media et tente apres son triomphe dans le monde de la literature populaire et du cinema (notamment sous forme de serials en France ou a l'etranger), de conquerir les foyer via la petite lucarne.
Cependant, l'amateur retrouvera avec un plaisir non dissimule les "formules" propres au genre.
Comme dans Rouletabille ou Fantomas, le hero est jeune, courageux et reporter(!). Comme dans Fantomas, l'ennemi est partout! Mi-sectaire, mi-cinquieme colonne, l'adversaire a gangrene la societe dans sa totalite et semble etre omnipotent, ajoutant a la difficulte de le terrasser.
Notons au passage, que tout comme dans les romans de Souvestre et Allain (Fantomas), les personnages secondaires ou tiers n'ont qu'une esperance de vie fortement limitee, ajoutant (a l'epoque) un cote delicieusement "malsain"/ "malefique" a l'experience que devait etre le spectacle de la serie.
Contre un adversaire sans pitie aucune, nos heros n'en auront que plus de merite a oser se dresser contre cette representation du Mal qui menace la patrie, mais peut-etre aussi le monde. Et tant pis, si les visees plus directes du groupe semblent limitees a des objectifs purement pecuniers!
.
Bref, du bis populaire, un petit cachet “literaire”, le tout livre chez soi a savourer affale dans son sofa, les charentaises aux pieds le soir apres l’usine. Que pouvait donc demander de plus le peuple de 1968?
De nos jours, l'experience que represente ce a quoi devaient s'amuser nos ascendants lorsqu'ils desiraient s'"encanailler" reste plus que plaisante, meme si le cote "sulfureux" a perdu beaucoup de son aura a force de sur-exploitation (tous medias consideres) et presente donc encore un interet pour l'amateur, le telepaleontologue, mais aussi le curieux qui desire remonter le plus possible a la source des "infamies"
qu'il apprecie tellement de nos jours.
Parmi le casting, l’on distingue
Jacques Champreux (Rocambole TV (1964), L’Homme sans Visage TV (1975) ), petit-fils de Louis Feuillade, donc, dans le role de Claude Leroy a beau etre sympathique, mais a force de subir les peripeties (qu’il a lui-meme redigee!) et qui le lient (souvent mollement!) aux mefaits des Compagnons de Baal, pour ensuite etre de nouveau laisse de cote avant d’etre “remis en selle” par la suite, empeche quand meme globalement d’adherer a un personnage qui—effet du scenario—ne traque finalement donc que “mollement” la secte criminelle.
Dans le role de son fidele compagnon de journalisme (et de café-crème
); Pierrot, a.k.a. Gerard Zimmermann (Les Enquetes du Commissaire Maigret TV (1969) ), n’a quant a lui pas grand-chose a faire, a part etre envoye de-ci, de-la—souvent en vain d’ailleurs. Un personnage mechamment en retrait…et sous-exploite.
L’element feminine sera represente par Claire Nadeau (Le Dossier 51 (1978), Mme Foldingue dans le Collaricocoshow TV (1985)
, Les Secrets professionnels du docteur Apfelglueck (1991) ) aura un role TRES “light”, car ne servant ni d’interet sentimental au(x) hero(s), ni meme ne se revelera etre tres utile a aucune des intrigues ou parties du scenario. Visiblement, l’auteur, sans doute presse par les producteurs de creer un personnage feminin, n’en aura pas eu pour autant beaucoup a coeur de developper celui-ci. Il faut egalement dire que les talents de l’actrice semblent etre en adequation avec son personnage, c-a-d: tres…legers…
(Notez, que ceci vaut aussi pour Zimmermann et Champreux…
)
Rene Dary (120, Rue de la Gare (1946), Touchez pas au Grisbi (1954), Belphegor TV (1965) ), aura la “chance” d’etre le representant le plus efficace de l’ordre sous les traits du dubitatif (mais tenace), commissaire Lefranc. Un jeu plutot carre et efficace qui remonte le niveau des allies de la justice dans la saga.
Leur nemesis prendra les traits de l’inquietant Jean Martin (Le Theatre de la Jeunesse TV (1965), Je t’aime, Je t’aime (1968), The Day of the Jackal (1973) ), qui malgre un magnetisme indeniable, une aura sinistre et des talents impressionnants lorsqu’il s’agit de se grimer ou de jouer l’extase criminelle, ne semblera apparemment jamais reellement percer au-dela de roles de figuration ou de seconds-couteaux. Dommage, tellement ce sont ses apparitions qui donnent a la serie son “cachet” et…marquent le plus le spectateur…
Notons aussi la presence en quasi-figurant de Jean Herbert, plus connu de nos jours sous le pseudonyme de…Popeck.
En fait, et plus que les elements scenaristiques, ce serait surtout les personnages qui meriteraient une serie de retouches, pour ne pas dire le casting. L’on ne peut a ce titre qu’en imputer la cause a Jacques Champreux en tant que createur-scenariste-acteur, et lui adjoindre un co-scenariste tiers aurait pu redresser de beaucoup l’equilibre de la serie.
La musique de Henri Sauguet (L’Epervier (1933), Don Juan (1956), Au Theatre ce soir TV (1973) ) accentuera l’aspect sinistre donne a la serie par Martin, et ce, grace a une musique de generique delicieusement sinistre, meme si le soulignement musical entre les deux generiques de debut et de fin reste tres leger.
Si la serie est loin d’etre exempte de defauts—loin de la(!), elle represente un bon condense de bis pur et dur, le tout en mode “vintage” (et Frenchie(!)
), et reste plus que sympathique de nos jours (meme si assez “leger” en vieillissant). A ce titre, un titre parfaitement recommendable, mais mieux vaut etre prevenu.
Les Compagnons de Baal: 3.50 / 5
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.
