Moi, Daniel Blake - 2016 - Ken Loach

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Manolito
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Moi, Daniel Blake - 2016 - Ken Loach

Message par Manolito »

Titre GB : I, Daniel Blake

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Daniel Blake, un menuisier veuf de 60 ans, victime d'un problème cardiaque, se voit refuser une indemnité d'invalidité alors même que ses médecins lui interdisent de reprendre le travail... Coincé dans cette situation ubuesque, il doit s'inscrire au chômage pour chercher un travail qu'il ne pourra donc pas accepter, situation d'autant plus absurde que le système des aides sociales anglaises est un vrai labyrinthe à la Kafka...

80 ans, 40 ans de carrière pour Ken Loach, qui continue imperturbablement à filmer ce que beaucoup ne veulent pas voir, ou bien considèrent que ça n'a pas sa place au cinéma, art qui ne devrait que divertir et amuser : les problèmes sociaux, la pauvreté, les laissez-pour-compte, les marges de la société anglaise...

Avec "Moi, Daniel Blake", il signe un de ses films durs, dans la tradition de ""Ladybird" et autres "Family Life". Des gens simples qui se retrouvent dans la mouise et se retrouvent face à un système d'aides sociales qui ne fait qu'enfoncer les gens dans la merde, au lieu de les aider.

Ce que pointe Ken Loach est une évidence d'aujourd'hui : alors qu'avant l'anglais moyen se contentait de jalouser les riches, ceux qui ont plus que soi ; on est arrivé à un point de retournement de l'opinion où maintenant, ce sont les plus pauvres que soi qui sont suspects, qui sont systématiquement soupçonnés d'être des "privilégiés" !

Toute personne touchant une aide sociale quelconque est réputé profiteur, doit prouver dix fois qu'il n'est pas un parasite... Si l'on rajoute à cela la lourdeur et la lenteur administrative, des agences pour l'emploi qui cherchent sournoisement la radiation, on arrive à un système qui ne parvient pas à aider une mère en célibataire en difficulté ou à sauver un vieillard malade qui a pourtant cotisé toute sa vie. Bref, un système vidé de son sens, qui ne sert plus à rien qu'à être une façade...

Caricatural ? Un peu... Crédible ? certainement, toute personne ayant eu le malheur d'avoir vu un grain de sable se glisser dans un dossier de sécu sait pertinemment que dans certains cas, il est très facile de se retrouver bien dans la merde... Et le cercle vicieux du système est que toute cette énergie que le citoyen passe à se battre contre un système pour faire valoir ses Droits, toutes les humiliations qu'il avale, tous les discours culpabilisateurs qu'on lui assène, finissent par miner sa combativité, le rabaisser à tel point qu'il s'isole, se rend encore plus malade et a alors encore plus besoin d'aide...

Parfaitement joué, soigneusement réalisé, animé d'un humour désespéré, film coup de poing sans concession, "Moi, Daniel Blake" est donc une des réussites de Ken Loach, au regard toujours affûté, aux démonstrations toujours cinglantes, documentées et pertinentes... Il signe un cri d'alarme, le bilan de quarante ans de démantèlement brique par brique du système social anglais de l'après-guerre, depuis les années Thatcher, une machine qui continue dans le même sens.

Dans un monde où petit à petit, un terme aussi basiquement humain que "Solidarité" devient un gros mot, une terme du passé vide de sens...

Vu sur canalplay/ciné+ copie 1.85 HD, VM anglaise STF. Palme d'Or à Cannes, plus de 800 000 entrées en France quand même...
Machet
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Re: Moi, Daniel Blake - 2016 - Ken Loach

Message par Machet »

Très justement dit. J’ai beaucoup aimé aussi.

Je fais une brève parenthèse personnelle : pour avoir été emmerdé (le mot est faible) par les assedic, machine administrative juge et partie, où l’humain est réduit à un numéro bon à radier (pour ne pas dire plus) ce film m’a fait énormément de bien.

Moi Daniel Blake est une catharsis. Une catharsis pour tous ceux qui, en toute bonne foi, ont eu à affronter des petits chefs faisant du refus d’intelligence.

Merci pour nous Monsieur Loach.

Il n'a pas volé sa Palme d'or... remise par George Miller. :)
Il y a un p'tit détail qui me chiffonne
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