
Adriana est venue de la campagne pour s'installer à Rome, où elle compte faire du cinéma et devenir célèbre. Pour l'instant elle enchaîne les petits emplois, les apparitions dans les publicités, et les aventures avec des hommes de toutes sortes...
"Je la connaissais bien" (initialement appelé "L'amour tel qu'il est" lors de sa première sortie en salle en France) est un peu le pendant féminin de "La Dolce Vita" : nous ne suivons pas un petit journaliste spécialisé dans les ragots, mais une jeune fille de la campagne qui se voit déjà vedette de cinéma. Au cours des années 50, l'Italie s'est reconstruite, la Rome des années 60 est plus propre et prospère que celle qu'on voyait, par exemple, dans "Bellissima" en 1953 : c'est une société dont la relative prospérité urbaine, celle de la Cinecitta, de la Fiat 500 et des scooters, des immeubles modernes bâties le long d'avenues bien rectilignes.
Mais c'est aussi une société qui derrière les satisfactions creuses et hédonistes de la société de consommation connaît une crise morale, crise morale, mal-être diffus exprimé dans "L'aventurra" et autres films d'Antiononi, et "La Dolce Vita". Une crise morale reflétée aussi par divers faits divers politico-médiatiques dont le plus fameux était l'affaire Wilma Montesi, scandale provoqué par la mort d'une jeune aspirante actrice dans des circonstances floues, impliquant le compositeur de musique de films Piero Piccioni, lui-même fils d'un ministre en activité, et divers notables... Une sorte de Dalhia Noir de l'après-guerre italienne...
"Je la connaissais bien" impose en vedette Stefania Sandrelli, la beauté brune du "Conformiste", et l'entoure d'une distribution européenne regroupant tous les hommes qui tournent autour de la jeune femme à la cuisse légère : Jean-Claude Brialy en petit voyou, Franco Nero en humble garagiste, Mario Adorf en boxeur sentimental, Ugo Tognazzi en vieil acteur raté, Nino Manfredi en manager maquereau, Enrico Maria Salerno en Star méprisante...
Un superbe casting et un film très soigné, décrivant, sans jugement le personnage d'Adriana, jeune femme libre, mais jamais malveillante, et pas si intéressée que cela. Toujours entourée, mais aussi toujours solitaire, toujours joyeuse à la surface dans ce monde de grands magasins, de transistors, de disques de variété... Mais aussi coupée de ses racines, sans avenir réel. Un film a priori léger, qui dans sa première moitié a tout d'une comédie à l'italienne, mais qui s'oriente petit à petit vers un drame inéluctable.
Sur le sujet a priori rabattu du miroir aux alouettes du monde du cinéma, Antonio Pietrangeli réussit un beau film sensible, qui s'avance en douceur, délicatement, puis finit fort. A découvrir pour les amateurs de l'âge d'or du cinéma italien !
Vu sur Mycanal/Ciné+, copie HD 1.85 16/9, VOSTF mono 2.0 PCM.
"Je la connaissais bien" sort en janvier 2019 dans un coffret DVD Antonio Pietrangeli de trois films, chez Blaq Out.
