
Fille d'une riche famille du sud ouest de la France, Thérèse se marie avec Bernard, héritier d'un domaine terrien dans les Landes. Mais elle s'est mariée sans amour et la personnalité simple de Bernard ne lui convient pas. Elle commence à avoir des idées de folie homicide...
La filmographie de fiction de Franju s'est surtout concentrée au début des années 60, de "La tête contre les murs" en 1958 à "Thomas l'imposteur" en 1965. Si elle concorde et accompagne l'éclosion artistique de la Nouvelle Vague, ce réalisateur en est plus un parrain bienveillant, à l'instar d'un Cocteau ou d'un Renoir, qu'un participant revendiqué.
Personnalité à part, il signe plusieurs adaptations de grands écrivains français, que ce soit Hervé Bazin, Jean Cocteau ou, ici, le Nobelisé François Mauriac. Pour "Thérèse Desqueyroux", Mauriac collabore étroitement à l'adaptation et aux dialogues du métrage. Ce dernier bénéficie d'un très beau casting de jeunes acteurs français de l'époque : Emmanuele Riva ("Hiroshima mon amour"), Sami Frey ("La vérité"), Edith Scob ("Les yeux sans visage") et Philippe Noiret ("Zazie dans le métro").
On reconnaît d'emblée l'univers cinématographique de Franju, avec ces grandes demeures isolées, ces forêts nocturnes balayées par le vent, ces routes balayées par des phares blafards... Une vision d'une certaine Province, transcendée par une poésie mélancolique, un noir et blanc habilement stylisé.
La jeune Thérèse appartient à une famille de grands bourgeois de Gironde, mais elle ne trouve pas sa place dans ce monde qui mise tout sur l'ordre, l'apparence et surtout le nom de la famille qui doit rester propre de tout déshonneur. Sensible, en recherche d'elle même (homosexuelle s'ignorant ?), Thérèse se heurte à l'ennui de cette vie, au manque de fantaisie et de tendresse de son mari. Et elle se laisse aller à des pulsions confuses de cruauté qui iront jusqu'à la tentative de meurtre.
"Thérèse Desqueyroux" décrit avec précision comment l'appartenance à une classe sociale est source d'aliénation, aliénation qui peut conduire à des désordres mentaux. Le sujet est je pense toujours d'actualité, même si il ne prend pas de nos jours la forme vue dans le métrage. L'angoisse de l'être qui ne rentre pas dans la case que son entourage lui alloue d'emblée, qui ne se conforme pas aux attentes et espérances de son milieu, reste une réalité que "Thérèse Desqueyroux" dissèque avec minutie, et cela rejoint d'ailleurs le parcours du héros blouson noir de "La tête contre les murs".
Le sujet permet aussi à Franju d'explorer le sujet de la claustration, déjà central dans "La tête contre les murs" avec l'internement psychiatrique forcé, et dans "Les yeux sans visage", bien sûr, avec cette jeune fille vivant cachée.
Par certains côtés, "Thérèse Desqueyroux" a pourtant pris quelques rides, à commencer par sa voix off et certains dialogues à l'écriture très littéraire, manquant de naturel lorsqu'ils sont énoncés au cinéma. Le symbolisme de la mise en scène peut être redondant de ce que comprend déjà le spectateur. Mais "Thérèse Desqueyroux" reste un film très bien joué, intelligent, humain, beau par la forme, intéressant par son fond.
Vu sur Mycanal/Ciné+.