Le film vient de rafler deux Césars (meilleur premier film et meilleur espoir), et a permis de voir éclore au grand jour (après quelques seconds rôles déjà notables) le phénomène du moment du cinéma français, Raphael Quenard. Au delà de cette présence écrasante sur laquelle nous reviendrons, le film offre de jolis moments. Une sorte de triangle amoureux dans la France rurale, la fameuse diagonale du vide, chère aux sociologues et laissée pour compte depuis des décennies. Ces jeunes qui trompent l'ennui entre fumette, parties de Fifa, bières et rap français. Qui passent leur journées en jogging, à tromper l'ennui comme ils peuvent, sans trop d'horizon, sans trop de rêve, ni vraiment coupé du monde moderne, ni vraiment intégré, toujours dans l'entre deux autant que dans l'entre-soi. Le personnage de Bajon subit un peu tout, sa vie, ses relations avec son pote, celles avec sa meuf. Il ne dit pas grand chose, registre semi-mutique ds lequel on voit très (trop ?) souvent le comédien évoluer. A côté de ça, Quenard impose une présence qui écrase tout et tout le monde. Il parle fort, pas comme tout le monde, passe d'une citation de Montaigne à une de Jul, se montre aussi charmeur qu'agaçant. Il a vraiment quelque chose, à voir sur la durée ce que ça donnera, s'il élargira son registre, si les gens se lasseront ou non, si on va en bouffer jusqu'à loverdose, mais pour le moment, il amène quand même un brin de fraicheur indéniable dans un cinéma français aux acteurs trop souvent formatés et interchangeables. Je lui trouve parfois un petit truc de Dewaere, et d'ailleurs, "Chien de la casse" a une certaine filiation avec un film comme "La meilleure façon de marcher" de Claude Miller, et son mémorable duo Dewaere / Bouchitey. Bref, pas le film du siècle non plus, ne survendons pas le truc, mais une petite oeuvre fréquentable, attachante, inégale mais tremplin idéal pour assister en direct à l'éclosion d'un talent.
