Très fraichement accueilli à Cannes, le dernier Sorrentino sort finalement en salles chez nous près de 9 mois plus tard, avec à nouveau une couverture assez mitigée et une promo quasi inexistante....
J'ai pour ma part trouvé pas mal de qualités au film. Assez client de Sorrentino en général, on retrouve complètement son univers. Il s'attaque ici à la fois à un portrait de femme et celui d'une ville, Naples. Le début du film fait un peu peur. Pendant un bon quart d'heure, on a l'impression de voir une longue pub pour de la haute couture, dans un Naples complètement fantasmé et sublimé. (le film est co-produit par Saint Laurent et ça se voit) Ca flatte l'œil, mais on se dit qu'on risque de trouver le temps long (2h15 au programme).
Heureusement, petit à petit, le film affirme sa personnalité et propose un contrepoint intéressant. Le vernis immaculé symbolisé par la magnifique Parthénope commence à côtoyer d'autres sphères que les ultras riches de Capri ou les villas à couper le souffle. La sublime rencontre la laideur. L'esthétisme ultra stylisé vient s'entrechoquer avec la vulgarité la plus crasse. Le film fonctionne à ce rythme, par à coup, toujours sur le fil du rasoir, frôlant souvent de très près le mauvais gout (on peut même penser qu'il y tombe une ou deux fois), avant de repartir vers les hautes sphères et le côté diaphane de son héroïne. Elle même symbolise bien la dualité, entre un physique parfait et une tête bien faite (de brillantes études d'anthropologie).
On retrouve aussi le gout de Sorrentino pour les seconds rôles un peu loufouques, hors du commun (Gary Oldman en écrivain alcoolique, Silvio Orlando en prof de fac portant un secret, un prêtre lubrique, une vieille actrice cachetonneuse ...). Petit clin d'oeil aussi au Napoli (autre passion de Sorrentino), fêtant son troisième titre de champion (en 2023) à la fin du film.
Le film avance avec des tranches de vie, une belle homogénéité esthétique mais aussi certains ratés, notamment narratifs. Parthénope âgée (Stefania Sandrelli) apparait bien sacrifiée et expédiée, les rapports de la jeune fille au monde sont aussi toujours un peu creux, superficiels, on n'arrive jamais vraiment à la suivre. Quelque part, elle a tout, mais elle n'en fait rien.. C'est sans doute un choix d'avoir gardé tout du long ce côté insaisissable, mais cela fascine autant que ça agace.
Bref, un film où on retrouve complètement l'univers de Sorrentino, aussi bien esthétique que thématique. Les fans devraient adhérer, les réfractaires peuvent passer leur chemin. J'ai été plutôt séduit, c'est imparfait, parfois énérvant, parfois mal dosé, mais je n'ai pas vu passer le temps, je me suis laissé bercer par ce portrait et Naples magnifié (même si les napolitains en prennent aussi pr leur grade). Une belle pierre de plus dans la filmo passionnante du maestro transalpin.
