Paris is Burning - Jennie Livingston (1990)

[Superwonderscope]

Tourne sur 3 ans, un documentaire sur les légendaires "Ball" de New York City a la fin des annees 80, où la jeunesse défavorisée s'affronte a grands coups de defilés.

House of Dupree, House of La Beija, House of StLaurent, House of Xtravaganza, House of Ninja... ces "maisons" étaient surtout des havres de réconfort de nombreux jeunes - principalement noirs ou portoricains-, gays, travestis, transexuels, rejetés par leur famille et la société. Seul endroit ou ils peuvent être eux-memes et avoir une portion du rêve d'ailleurs. La plupart étaient SDF, prostitué.es, avec des rêves de faire comme les mannequins et autres danseurs célèbres. Les "House mothers" étaient chargées de veiller sur ces enfants, mais aussi de les former aux defiles.
L'un des protagonistes parlent de guerre des gangs, mais a coups de danse, de nouvelles chorégraphies. Le tout sur fond de misère sociale, de sida, de meurtres des transexuels (dont Venus Xtravaganza) mais surtout de seul havre de paix pour eux/elles. C'est là où la notion de "Voguing" est né, tout come la culture drag queen new yorkaise d'ou ont emergé des stars comme RuPaul, Mistress Formika, etc. (voir Wigstock pour l'evolution de cette scene, un excellent documentaire, aussi). Avec une indefectible vision positive de leur futur.

A noter que Malcolm McLaren est venu y piquer des idées, notamment pour son album Waltz Darling avec le morceau deep in Vogue, ou figure notamment Willie Ninja. Ce qi a quelque peu denature la nature des balls et du voguing, le rendant plus bourgeois dans son propre. Le pire d l'appropriation étant le Vogue de Madonna, ou les origines de la culture undergrund gay new yorkaise de la danse et des chorégraphies avent été soigneusement évacuées.

Ceux qui ont vu la série Pose sur FX: cela vient directement de cette culture des bals dont la série s'inspire de plusieurs figures du milieu.

. le documentaire est assez brut. tourne en 16mm, collant aux defiles, avec des interviews cash, une vision sans fard de la pauvreté, des rêves de chacun.e. cela montre aussi le passage de relais entre la culture drag de la fin des annes 60 a l'absorption d'une nouvelle generation encore plus paumee du fait des violences envers les minorités (noir, latino, etc.) - et la déconnexion des anciens par rapport a une génération nourrie a la House alors naissante, le hip hop - et de trouver un nouveau mode d'expression corporel inspire de toutes ces influences.

Il y a beaucoup d'empathie dans le jeu de camera, une absence de jugement - les images parlent d'elles memes, avec des personnages hauts en couleurs mais avides d'auto-protection du monde extérieur qui ne leur apportent que peine et mort. Le regard est plus anthropologique, expliquant au passage le jargon - passe depuis dans le langage populaire. il est clair que voire le film aujourd'hui ne sera pas forcement nouveau, les drags queens rapportent beaucoup, beaucoup d'argent. C'est juste que les origines sont là, aux sources des excès des annees 80 et des politiques reaganiennes qui ont repousse la pauvreté dans des confins de resistance inattendue. La maladie a eu raison de beaucoup, les intervenants n'ont quasiment tous jamais passe le 1/2 siècle.

Une liberté de ton, d'expression et de forme qui ont toujours un impact.


Je ne l'avais jamais revu depuis l'achat de mon LD NTSC, qui prend toujours la poussière par ailleurs... la version nettoyée et nouveaux scan est celle que j'ai vue sur Mubi. Le mieux qu'on puisse espérer.


A noter qu'il y eut, évidemment, une autre polémique a sa sortie. le film fut un petit succès (rapportant 7 fois sa mise initiale), et les intervenants du documentaire se sont plaints qu'Hollywood se fasse l'argent sur eux memes, vient sans rien, et n'ayant pas vu l'ombre d'un billet vert sur les retombées du film. Comme aussi, ils se sont fait dépossédés du Voguing.

77mn puissantes, pleines de defiance et toujours d'actualité.