J'ai pour l'instant vu trois films de lui et à chaque fois j'y ai pris beaucoup de plaisir même si les films sont très différents.
Alas de Mariposa (1991) [Ailes de papillons en français] : Ce film raconte l'histoire d'une mère qui veut absolument mettre au monde une fille pour perpetuer le nom de son mari. Son premier enfant est une fille, mais le deuxième est un garçon. Seulement le bambin va mourir d'étranges manières. C'est vraiment un très beau film entre thriller et drame familial... La fille grandissant va devenir un être replié sur elle-même avec un univers de bric et de broc où l'insecte mort est roi. C'est également un film sur la patérnité et l'amour filial. Donc mis à part un scénario très original (écrit par le cinéaste et son frère Eduardo), la mise en scène est assez sophistiquée et raffinée. Un cinéma maniériste où l'image est reine... On pense à Hitchcock pour ce mystère lentement distillé mais aussi et surtout à De Palma pour la mise en scène et le ton du film.
La Madre Muerta (1993) : Celui là c'est clairement mon préféré des trois. Une petite merveille. L'histoire c'est celle d'un cambrioleur (Karra Elejalde, le flic de la Secte Sans Nom) qui lors d'un casse tue la maîtresse des lieux et tire une balle dans la tête de la fille qu'il laisse pour morte. Il la retrouve quinze plus tard, dans un institut psychiatrique, autiste, mentalement handicapé à vie par la balle qu'elle a toujours dans la tête. Il va alors sous l'impulsion de sa femme (incarnée par l'étonnante Lio dans un rôle magnifique de 'femme fatale" mais pas tant que ça) la kidnapper et demander une rançon. Bien sûr la relation à trois entre le cambrioleur, sa femme et Leire, la malade (la magnifique Ana Alavarez dans un rôle vraiment pas évident) va se révéler plus compliqué que prévu. Encore une fois (mais cette fois sous-entendu) le thème de la paternité est clairement invoqué, mais en même temps et c'est là que le film prend toute sa valeur, le cambrioleur a un désir pour elle alors on est dans l'ordre de l'inceste et le film va assez loin dans cette direction ne faisant jamais vraiment la part des choses. Ce qui marque profondemment c'est la crûdité de ce film (et plus globalement de ce cinéma). C'est un film qui étale une cruauté, une violence, une tension sexuelle absolument folle et qui porte en lui toute la vitalité, la force et la rage du cinéma espagnol en devenir. La fin à ce titre est terriblement cruel et déchirante. On hésite pas à tordre les sentiments, à les étirer, à déchhirer tout ça. Ce cinéma n'obéit en rien aux lois traditionnels de la narration. Il y a une vraie originalité et personnalité dans ce cinéma là. Le cinéaste s'affirme, ne s'autocensure pas, assume la violence de son film (le héros est une ordure finie, une scène de meurtre à la bière (!) est vraiment dure).
Et encore une fois (et bien plus encore que dans le film sus-cité) la mise en scène est tout à fait en accord avec le sujet et empreint d'une vraie modernité. Et le cinéaste qui me vient d'abord à l'esprit est encore une fois De Palma (toute proportion gardé), pour cette liberté dissimulée sous les oripeaux d'un cinéma "classique". Un cinéma qui prend aux tripes et qui fait fi de la morale.
Vraiment La Madre Muerta est un grand film...
Airbag (1997) : Celui-là par contre est totalement différent. Co-écrit avec le cinéaste par Karra Elejalde (il en est le personnage principal) c'est une grosse comédie délirante. Vous en avez peut-être entendu parler car le film est un des derniers très grands succés national, le film ayant fait quelques 3 millions de spectateurs en Espagne, ce qui est énorme et très rare pour un film local. Malgré cela le film n'est pas sorti en France et c'est bien dommage. Ici l'histoire c'est en gros un jeune marrié qui perd sa bague de fillançailles dans l'anus d'une prostituée et qui part à sa recherche mais tombe sur des gangsters qui cache de la coke dans des airbags. Et oui le genre d'histoire totalement débile que l'on affectionne tous. Là c'est vraiment du gros délire et si l'on pourrait faire l'amalgame entre ce film et nos productions Besson, il n'en est rien parceque encore une fois le film se démarque du mainstream par quelques parti-pris audacieux. Bon on est en Espagne et voir un bout de seins n'a jamais choqué personne, mais ici quand les personnages vont dans un bordel, toutes les femmes sont à poils et on les voit forniquer comme des bêtes, c'est pas hors-champ (bon c'est pas du porno non plus). De même la scène où le personnage perd son anneau dans la rondelle (euh l'anus pardon

Côte mise en scène, c'est encore très bon même si très différent (et oui il s'adapte), c'est du Tex Avery mixé avec la verve des Coen de Arizona Junior. La photo est vraiment bonne et l'on s'amuse beaucoup (notamment un gunfight au ralenti au milieu d'un terrain de foot assez sympa, et une scène complètement surréaliste où la chef des bandits - Maria de Medeiros - s'envole dans les airs...)
Voilà un excellent film qui échappe à la beaufitude et qui n'est pas sans rappeler un certain de la Iglesia et Torrente.
Donc voilà un excellent cinéaste que je ne conaissais pas il y a deux semaines et qui me semble faire partie intégrante de la nouvelle vague espagnole (Amenabar, Balaguero, Paco Plaza et les autres) et même mieux en être quelque part le précurseur... Seulement il a disparu de la circulation depuis 1997 et Airbag justement et c'est bien dommage parcequ'il y a enormément de talent chez ce cinéaste...
Malheureusement pas de DVD de ces films en Z2 français et même pas de Z1... Regarder peut-être du côté des DVD espagnols directement (j'ai vu Airbag dans un DVD espagnol sta)...