
1985. Un an après le succès de Terminator, et un an avant celui d'Aliens sort sur les écrans Rambo, First Blood Part II, trois ans après le succès de First Blood. Soucieux de prolonger ce succès international, Sylvester Sallone se trouve face à un problème de taille : comment écrire la suite d'un drame introspectif dont le dénouement n'appelle pas de fin ? Pour résoudre l'équation, il choisit de jouer la carte de l'action pure. James Cameron, auteur du scénario, rédige son script en suivant la même démarche que pour Aliens en prenant le contrepied du film original. Le trauma du personnage désormais posé, il décide de laisser parler la poudre : si le premier opus multipliait les allusions aux exploits guerriers de John Rambo, sans pour autant nous montrer de véritable prouesse, Cameron choisit de lâcher la bête de guerre sur son terrain de chasse privilégié : la jungle vietnamienne. Conscient des limites de son rôle, destiné à mettre en valeur un Stallone au top de sa renommée, Cameron mise donc sur l'action non-stop, encouragé par un Cosmatos qui s'est mis en tête de réaliser le "meilleur film d'action de tous les temps". Débarrassé de toute contrainte auteurisante, et acceptant de bonne grâce de jouer le jeu de l'iconisation ultime de Rambo, Cameron ose donc l'impensable : balancer toute la justification de son histoire en cinq minutes chrono, avant même le générique !
Ouverture du film sur une explosion dans une carrière, où s'affairent des prisonniers contraints au travail forcé. Le colonel Trautman rend visite à son protégé, et lui expose les faits : l'ordinateur du Ministère de la Défense estime qu'il est l'un des trois hommes au monde à pouvoir accomplir une mission de sauvetage dans le camp vietnamien où il a jadis été emprisonné. Attiré par l'idée de combattre ses vieux démons tout en venant en aide à ceux qui ne peuvent que lui évoquer ce qu'il aurait pu devenir, Rambo accepte. L'entrevue se clôt sur un plan en plongée sur la barrière grillagée, surmontée de barbelés, séparant les deux hommes. Rambo reste figé sur place, observant Trautman s'éloigner après un échange succinct : "Dites, cette fois on y va pour gagner ? ; Cette fois, ça ne dépend que de toi." Et le film de démarrer sur la musique de Jerry Goldsmith sous des airs asiatiques, pendant que la caméra remonte doucement sur une statue dorée de Bouddha, avant d'emprunter le thème guerrier de Rambo lorsque des hélicoptères apparaissent dans le crépuscule à la façon d'Apocalypse Now. A ce moment-là, le film nous promet ce que tout fan de cinéma d'action aime par dessus tout, un schéma aussi simple qu'efficace : préparation de la mission (présentation des objectifs et des enjeux), accomplissement de la mission et retour au bercail. Rien de plus, rien de moins.
Après avoir découvert la base de la CIA installée à la frontière vietnamienne, et avoir fait remarquer au passage la supériorité de l'esprit humain sur la machine en matière de guerre d'embuscade (ce qu'il prouvera plus tard), Rambo doit subir un parachutage nocturne catastrophique. Il se retrouve malgré tout dans la jungle, très éloigné de son objectif, et rencontre son contact : une jeune femme ravissante. Nous assistons alors au commencement d'une curieuse relation où le guerrier ultime semble gêné par la beauté de cette femme, comme un adolescent complexé. C'est une des rares fois où, dans la saga, Rambo est confronté à son rapport aux femmes, à ses sentiments et à sa (ou son absence de) sexualité, à la demande de Stallone auprès du scénariste Cameron. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'une scène coupée de First Blood, présente sur le zone 1 américain, le présente dans un bordel vietnamien lors d'une séquence de flash-back où, terré dans sa grotte, il se prend à rêver des quelques moments agréables de sa vie. Cette frustration semble être d'une importance capitale dans l'explication de son comportement guerrier, sans qu'elle ne soit pourtant explicite : le quatrième opus laisse d'ailleurs planer un doute certain sur l'attirance de Rambo envers la jeune Sarah, après vingt ans de réclusion au fond de la Thaïlande.
Rambo II passe souvent pour un film revanchard, une négation du premier film où Rambo est à la solde du gouvernement républicain, une icône patriotique ambulante. Les apôtres de cette idée reçue oublient souvent, à la condition qu'ils aient vu le film, de préciser que Rambo est ici trahi par son propre pays, qui lui a déjà donné la chasse dans le premier épisode. Nous apprenons ainsi qu'en réalité, Rambo n'est pas destiné à sauver les captifs portés disparus, mais au contraire à les laisser pour mort en faisant état de leur disparition dans son rapport afin de classer l'affaire. L'image des USA est donc loin, bien loin de celle véhiculée par un film propagandiste. Rambo est capturé et torturé ; le salut ne viendra pas de son pays mais d'une femme, qui plus est vietnamienne : son contact, qui l'aidera à s'enfuir avant de mourir dans sa fuite. Dès lors, le film d'action ultime souhaité par Cosmatos peut commencer, quand la rage et la soif de vengeance envahissent les veines de Rambo. Les scènes d'anthologie s'accumulent alors de façon si frénétique qu'elles donneront lieu plus tard à bon nombre de parodies (souvenez-vous du sketch d'Albert Dupontel, hilarant) : Rambo se camoufle, dresse des embuscades, s'empare d'un hélicoptère, retourne au camp délivrer les prisonniers, est poursuivi par un hélicoptère russe deux fois plus gros que le sien... Le film bascule dans une sorte de surenchère pornographique de l'action et de la violence dans une folie totale, jusqu'à l'extase finale lorsque vient exploser l'hélicoptère russe, victime d'une formidable ruse de Rambo. Dès lors, le guerrier peut retourner à la base, régler quelques comptes avec son pays - symbolisé par le pleutre chef des services secrets - en plantant son couteau à deux centimètres de son visage avant de clamer « Mission accomplie ! ». Voilà pour le patriotisme !
Quant à la médaille que veut lui offrir Trautman, Rambo lui recommande de la donner aux prisonniers libérés qui, selon lui, la méritent bien plus. Puis, quand Trautman lui demande où il compte se rendre, Rambo se contente de répondre "Je ne sais pas. Je vivrai au jour le jour" avant d'avancer, seul, vers l'horizon. Le reste est une autre histoire.