fantomas 2 a écrit :Désolé si j'ai donné l'impression que les catholiques n'aimaient pas le cinéma fantastique.
En ce qui concerne "La bataille d'Alger", c'était donc juste le gouvernement français qui jugeait le film dangereux, en tout cas non projetable ? je ne sais combien d'années il est resté interdit. Si, selon Pontecorvo, le film plaisait à tout le monde, je ne comprends pas bien les raisons de son interdiction !
RELIGION et ESTHETIQUE
Concernant l'Eglise, je vous signale tout de même que l'éditeur le plus important d'études d'histoire du cinéma fut, en France, pendant longtemps un éditeur catholique : les éditions du Cerf.
Et que le livre de Gérard Lenne, "Le cinéma fantastique et ses mythologies", fut d'abord édité - vous le savez, cher J.-C.M. , et je sais que vous le savez mais je le rappelle aux plus jeunes lecteurs - aux éd. du Cerf. en éd. originale en 1971 avant d'être réédité en plus grand format par Henri Veyrier qui en profita pour supprimer l'index nomini si utile de la première éd. mais permit à Lenne de rajouter quelques illustrations et notes en raison du plus grand format,
Sur tout ce qui concerne le rapport du catholicisme et de l'image, une source essentielle, constituant une excellente synthèse :
- Régis Debray,
"Vie et mort de l'image - une histoire du regard en Occident", éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des Idées, Paris 1992 puis rééd. en coll. Folio.
On peut en conclure - après lecture et si je m'en souviens bien mais sous réserve tout de même car il est tard et je suis un peu fatigué - que Le
Nouveau testament est au fond plus favorable à la représentation et à l'image - quelle que soit son esthétique, réaliste, fantastique, que sais-je ? - que
L'Ancien testament ! Le catholicisme favorise, encourage les représentations et l'image, fondamentalement.
En tout cas, Debray a donné une synthèse magistrale de ces études sur l'art et le sacré dans notre culture occidentale depuis l'antiquité grecque et judaîque à nos jours, en passant par l'islam, le protestantisme luthérien et calviniste, les byzantins, l'orthodoxie, etc.
Marie-José Mondzain, "
Image, icône, économie - les sources byzantines de l'imaginaire contemporain", éd. du Seuil, coll. l'Ordre philosophique, Paris 1996 est ainsi, quatre ans plus tard, une simple excroissance - rameau - du livre de Debray, même si Debray a lui-même lu beaucoup d'histoire de l'esthétique, bien entendu, beaucoup de théologie et beaucoup de philosophie de l'art
Le cas des comédiens est un problème spécifique sur lequel je ne peux pas m'étendre ici... et je reconnais aussi bien volontier qu'un curé de campagne de 1950 n'est peut-être pas forcément un Père grec ou latin lecteur de Cicéron, de Lucain et de Homère, ni un théologien dominicain ni saint Augustin tel que les éditions du Cerf permettent de le lire dans le texte avec traduction en regard - ce sont les éd. du Cerf qui éditent en texte et traduction française les O.C. de saint Augustin et le travail est monumental ! Ce sont les mêmes éd. du Cerf qui éditèrent donc Gérard Lenne.
Enfin bref, vaste question qui est vraiment trop vaste pour être épuisée ici mais qui ne peut pas être résumée aussi simplement que vous le faites.
POLITIQUE ET ESTHETIQUE
Il est exact que LA BATAILLE D'ALGER fut longtemps interdit mais il est non moinsi exact que selon Pontecorvo, un indépendantiste algérien pouvait l'apprécier et qu'un tenant de l'A.F. pouvait aussi l'apprécier. Attention, je ne dis pas que Pontecorvo est une source 100% fiable mais il ne me semble pas non plus indigne de foi et je crois à son témoignage. Ce n'était pas un fantaisiste : il aimait trop la vérité pour mentir là-dessus... et il n'avait pas de raison de mentir en 1970 dans un tel entretien.
EXEMPLE TRANSVERSAL politique-esthétique (manque religion hélas)
Un exemple savoureux est celui de la réception du génial DRACULA [HORROR OF DRACULA / LE CAUCHEMAR DE DRACULA] (G.B. 1958) de Terence Fisher.
Relisons S.V.P. l'admirable étude historique de René Prédal, "
Terence Fisher" in
Anthologie du cinéma, tome 11 relié, éd. de l'Avant-scène, réédition Paris 1983, pp. 275-279. En quelques pages, Prédal décrit comment le film de Fisher fut reçu en France.
-
Cinéma 59 ne lui consacre pas une ligne ;
- Les
Cahiers du cinéma se moquent de lui d'une manière ignoble; en deux lignes ;
-
Positif a des problèmes, et aucun des 2 numéros parus cette année-là ne le signale - nous apprend Prédal [J.-P. Torök lui consacrera, comme on sait et comme Prédal l'écrit justement, deux ans plus tard un article élogieux dans le fameux N° spécial
H-Pictures où LE CAUCHEMAR DE DRACULA est considéré comme "
sans doute le plus beau film de vampire depuis NOSFERATU"] ;
- Un certain G.A. (Guy Allombert ?) crache sur le film dans
La Saison cinématographique 1959 tandis que
Image et son, qui patronne la
S.C., n'en parle pas du tout
- Gilbert Salachas crache sur le film dans
Télé-ciné, avec l'accord de... Henri Lemaître (l'historien de la littérature française bien connu, normalien et agrégé; aussi l'éditeur critique des
Petits poèmes en prose - Le Spleen de Paris de Baudelaire, éd. Classiques Garnier !! ? Quelle déception si c'est lui !!!!) et un accord un peu plus nuancé d'un illustre inconnu nommé Elie Fovez qui reconnaît que "
quelques images pourtant, sont assez baroques" et se croit malin en concluant avec une vaseuse plaisanterie concernant le pieu tueur de vampire chez Fisher et chez Dreyer ;
-
L'Index de la cinématographie française 1959 .... "
décrit le film de manière positive" (R. Prédal) qui cite ladite description in-extenso : elle est très bien écrite et très exacte, d'ailleurs. Il faut préciser cependant - Prédal le fait justement là encore - que l'
Index est destiné aux exploitants professionnels de salles de cinéma avant tout, et pas vraiment au grand public. Cet abord positifi est donc une règle de présentation de tous les films analysés.
Il me semble qu'il manque l'équivalent catholique de la Saison que collectionne Christophe Bier :
l'Office central de je ne sais plus quoi...
bref... son avis devait être tout aussi négatif que celui de ses confrères, probablement.
Ce que cet exemple du CAUCHEMAR DE DRACULA montre bien, c'est qu'en 1959, tous ces arriérés qui étaient désignés comme critiques en exercice, dotés d'une carte de presse ou non - le côté bureaucrate de la France : que les critiques soient dotés d'une carte, soient syndiqués, etc... héritage des corporations médiévales passées au crible du syndicalisme marxiste - furent aveugles, sourds et muets à la beauté de Fisher.
Heureusement qu'en juillet 1961 puis en 1962, Torök puis
Midi-Minuit Fantastique réparèrent le préjudice.
PS pour Otis :
NOTE additionnelle sur Todorov et Villiers de l'Isle-Adam
Je remercie le lecteur précédent concernant ses liens.
Todorov, ce structuraliste borné, n'est pas du tout ma tasse de thé. Je l'ai lu comme vous mais son intérêt provient surtout de ses citations de Louis Vax - bien supérieur - Lovecraft - idem mais pour d'autres raison - et Caillois - idem pour les mêmes raisons que Louis Vax mais je ne détaille pas ici, etc... et de quelques analyses pertinentes mais très rares. Sinon à fuir. Lire les autres auteurs cités de préférence.
En revanche, bien sûr, je n'oubliais nullement Villiers de L'Isle-Adam et vous avez absolument raison de le citer. Simplement je ne pouvais pas citer non plus toute L'ANTHOLOGIE DE LA LITTERATURE FANTASTIQUE FRANCAISE de P.-G. Castex (éd. José Corti, Paris 1970 circa) en annexe...

mais vous avez cent fois raison de citer Villiers, absolument... et J.-K. Huysmans, aussi bien pour LÀ-BAS que pour LA CATHEDRALE, dans des registres anté-conversion et post-conversion.
PS 2 : Pour Jean-Claude
sur Fereydoun Hoveyda
Si Hoveyda et F. Hoda sont la même personne ? J'ai un doute brusquement ! Mais je crois l'avoir lu sous votre plume ici même dans un autre topic ? Enfin vous me direz à l'occasion

Bref je suis décu par cette citation de Hoveyda car j'aimais en revanche beaucoup cette autre citation du même Fereydoun Hoveyda tirée des
Cahiers du cinéma n° 119 et accolée par Jean-Marie Sabatier à la sublime photo (d'exploitation détourée ou de plateau ?) de LA MASCHERA DEL DEMONIO [Le masque du démon] (Ital. 1960)....p.31 de
Les Classiques du cinéma fantastique, éd. Balland, Paris 1973.
En somme, leur mise en parallèle prouve qu'un même critique peut parfois avoir raison, parfois se tromper. On s'en doutait mais on s'en attriste tout de même à chaque fois qu'on le constate.
