

Effectivement mon but n'était pas de faire un doc informatif sur les films de JC. Les nombreux bonus DVD dont passés par là, et plusieurs docs avaient déjà été fait en ce sens. Donc je voulais surtout essayer de faire découvrir un personnage, c'est ça qui m'intéressait.
Et pour ça, il était impératif que JC accepte un concept de film vivant sur plusieurs jours. Je suis ravi qu'il ait accepté parce que au début, c'était loin d'être gagné. Il était très méfiant, très froid et un peu parano. Et puis il s'est détendu avec les minutes. Surement parce que j'ai commencé par lui parler de basket et de Tony Parker pour le mettre à l'aise

Je crois que le fait que je sois bilingue (j'ai vécu 8 ans à Londres) a énormément joué parce que je pouvais vraiment discuter, communiquer avec lui et pas simplement lire mes questions sur papier... Je lui est parlé du concept "carte blanche" (plus une discussion qu'un Q-A)et il a bien aimé.
Je pense que je l'ai aussi chopé au bon moment, il venait de terminer "Cigarette Burns" et il était très satisfait, notamment de la musique puisqu'il m'a même présenté son fils avec beaucoup de fierté (un gamin hippie-cool venu tout droit des années 60 avec une tête de fumeur de joints en série lol, un clone de Syd Barrett avec les cheveux longs).
En le rencontrant sur une longue durée et en discutant avec lui devant et hors caméra, j'ai voulu aussi rétablir certaines vérités qui m'ont sauté aux yeux en le voyant :
Contrairement à un fantasme répandu dans la critique française, il n'a plus rien d'un vieux anar rebelle et plein de sève. Il est TOTALEMENT rangé, il est multi-millionaire et n'a plus rien d'un réal anti-establishment. Il l'a été, oui, mais finalement sur une courte période, globalement entre "Prince of Darkness" et "In the Mouth of Madness". Oui dans les années 80 il a été très marqué par ses échecs, mais aujourd'hui il voit bien que "The Thing" ou "Jack Burton" sont acclamés, et il en est ravi. Du coup il en est très fier et n'en veux absolument plus à personne. Il est aussi très conscient de cet image politique que lui donne ses fans et les critiques, et du coup c'est devenu presque un jeu : il leur sert du Carpenter sans plus y croire lui-même. Il aime bien "Masters of Horror" parce que ça lui permet un tournage rapide et pas fatiguant pour un bon cachet. Il n'écrit plus ses scénarios et honnêtement je pense qu'il n'a plus rien de l'auteur qu'il était dans les années 80. Il n'a juste plus d'inspiration. Mais à la rigueur, c'est pas grave, il n'en reste pas moins un immense cinéaste qui nous a donné plusieurs chefs d'oeuvres...
Je pense qu'a un moment, tous les grands cinéastes ont un "truc", et puis il le perde, comme tant d'autres (Coppola, De Palma, Scorsese, Cimino, Argento, Friedkin...). C'est comme ça. Et ça n'a rien à voir avec l'argent ou la difficulté à monter un film (JC a beaucoup plus d'argent et de contacts qu'à l'époque de "Assaut"), c'est juste que voilà, il n'a plus l'étincelle.
Le meilleur est certainement derrière lui, il en est probablement très conscient puisque il parle de sa carrière avec un énorme recul, comme si c'était fini. Mais aussi avec une grande lucidité, c'est ça qui m'a le plus étonné.
En tout cas moi je garderai toujours des souvenirs de fan merveilleux et unique avec lui...