I cannibali n'est jamais qu'une adaptation de la pièce de Sophocles, Antigone, transposée dans une société totalitaire fururiste comme on aimait en imaginer dans le cinéma 70s.
Nous sommes à Milan désormais sous la dictature d'un gouvernement fasciste. Les rues sont jonchées de cadavres tués par la milice pour avoir désobei. Nul n'a le droit de les toucher ou les déplacer sous peine d'être immediatement abattu.
Pourtant Antigone avec l'aide de Tiresa, jeune étranger parlant un langage nouveau, va désobeir et enlever les corps qu'ils rangent dans une grotte et nourissent de pain et de poissons. Traqués et torturés par la milice pour qu'ils avouent leurs méfaits ils seront à leur tour tués alors que dégouté par cette politique, le fils du Premier Ministre souhaite devenir un animal. D'autres insoumis prennent le relai d'Antigone.
I cannibali est avant tout une allégorie politique radicale, une vision pessimiste d'une société future régie par le totalitarisme.
Par cannibalisme ici, il faut comprendre non pas l'acte de manger son prochain mais y voir une forme de cannibalisme intellectuel, celui qui ronge et dévore les esprits, annihile la personnalité et fait de l'humain un docile esclave ou un zombi obéissant, lobotomisé.
C'est ce que ce gouvernement fasciste fait du peuple qu'il réduit en morts-vivants, qu'il asservit par la repression d'une part mais aussi par des méthodes scientifiques qu'on peut assimiler à des tortures mentales ou physiques.
Ces cadavres jonchant les rues, les trottoirs sont le symbole de la résistance écrasée et montre ainsi l'exemple d'où l'interdiction de les déplacer ou de simplement les toucher. Ils sont la representation du Mal.
I cannibali regorge de symboles et d'allégories notamment religieuses. Le film est presque entièrement composé d'une série de tableaux tous plus symboliques les uns que les autres.
Le personnage de Tiresa, jeune étranger au corps squelettique et aux cheveux longs surgi de nulle part et parlant un langage neuf, proche de ces cadavres de par son allure, pourrait être un nouveau Christ, un sauveur, un berger se rebellant contre l'Ordre en corrompant le peuple. Il mange du pain et pêche du poisson, nourriture qu'il donne également aux cadavres qu'il entasse dans une caverne qui pourait être celle où le Christ resuscita. Il est une menace, donc celui qui doit être traqué et tué au même titre que ses disciples, ici Antigone.
Abattu en pleine rue alors qu'il apporte la bonne parole, son oeuvre sera malgré tout perpetuée.
I cannibali est également une métaphore sur l'asservissement caracterisé par Haimon, le fils du Premier Ministre, qui réalise les horreurs de son père et préfére aller contre lui et ses agissements, choisissant l'asile et devenir un animal plutôt que de vivre dans de telles conditions.
I cannibali fait sans aucun doute partie de ce genre de films intellectuels et philosophiques typique d'un certain cinéma d'auteur 70s auquel la Cavani appartenait.
On y retrouve tous les défauts de ses futures oeuvres dont cette prétention parfois pompeuse et redondante. De ce fait, son film peut facilement ennuyer ou faire sourire ce qui pourtant n'est pas le but premier de la réalisatrice.
Dans cette allégorie politico-religieuse, on retiendra surtout un casting exceptionnel.
On y retrouve en effet les yeux de merlan de la Ekland en Antigone aux cotés de l'acteur Pasolinien, le filiforme et divin Pierre Clementi, un de nos comédiens les plus nevrosés et torturés d'alors, plus zombiesque que jamais ici en Tiresa, sa longue chevelure sale tombant sur ses épaules.



Les cannibales c'est également leur nudité respective que la Cavani étale tout au long du film, les admirateurs du sombre Pierre se régaleront donc de ce corps amaigri et nu




Mais qu'Eric refroidisse les ardeurs de tous les fans du christique Pierre, aucun plan kiki



Tomas Milian toujours aussi bon incarne quant à lui Haimon.
On notera la trés belle composition musicale de Morricone et la chanson du générique interprétée par Don Powell, I eat cannibals, dont la mélodie envoutante nous trottera encore longtemps en tête aprés la fin du film.
Le corbeau christique qui aime courir nu dans la rue!
