
-Il seme dell'uomo: Voulant enfanter, elle sera dévorée en roti saignant!
On a souvent tendance à oublier que les films post apocalyptiques ne datent pas des années 80 suite au succés de Mad Max. Les années 70 ont elles aussi riches en films du genre, se mariant à toute une vague d'oeuvres de SF ecologiques mettant en scene les grandes peurs d'alors.
Le semence de l'homme, peut être le film le plus méconnu de Ferreri, fait partie de ces oeuvres.
Etrange, le film l'est. Nous sommes entrainés ici dans un monde décimé par une mystèrieuse peste. Dora et Cino, un jeune couple, rentrent chez eux. A la sortie d'un tunnel, ils se retrouvent dans un monde ravagé par la maladie. Ils vont tenter de fuir et se refugient dans une grande batisse au bord de la mer, tentant de refonder l'Humanité. Mais Dora, se refuse a tomber enceinte..
La fin des années 60 est marquée par la peur de la menace nucléaire, les guerres et les tensions mondiales. C'est dans ce contexte que Ferreri signe Il seme dell'uomo, retour de l'Homme vers un état post-apocalyptique mais fort different des univers de La planete des singes ou même du Last on man on earth.
Si Ferreri aborde ici ses thèmes privilégiés, la femme, le couple et le sexe, il élabore aussi une sorte de parabole sur deux courants de pensées opposés: celle de Cino, qui symbolise la recherche du plaisir et de la refecondation du monde, quête de la survie et de la prolongation de notre race à travers le bonheur et celle de Dora, jeune fille vierge et mystique, femme mutante en quelque sorte refusant la fécondité et donc la renaissance d'un monde nouveau.
Le symbolisme est certes simpliste mais la reflexion est profonde, une reflexion sur la condition aliénée de l'existence humaine, le miroir aux alouettes qu'est l'amour et la violence de l'être humain, cette brutalité qui lui est innée.
Sur ces propos, il batit un film étrange et captivant, très ancré dans son époque. Le film s'ouvre sur une galerie en N/B de visages representant tous à leur façon l'Etre humain.
Mais que se cache t'il derrière ces visages, que cache l'Homme si ce n'est sa propre perte symbolisée ici par ce masque de mort et ce pantin perdus au milieu de cette suite, ces visages qui ne sont que des artifices pour dissimuler sa véritable nature.
Le monde est en guerre, les villes sont détruites, Londres est en flammes et Ferreri se permet même de montrer le Pape agonisant


Les images défilent, tout n'est plus que ruines, pleurs, colonne de chars tandis que les TV annoncent l'epidemie de peste et de cholera.
Dans ce marasme, quelque part au soleil, Dora et Cino rentrent chez eux lorsqu'aprés avoir traversé un tunnel, écran noir et fixe ponctué par les flashes radio, ils se retrouvent dans un monde parallèle. Ils viennent de quitter cette société de consommation representée par tous ces bonbons et objets laids pour une société beaucoup plus réelle cette fois où la mort n'est plus seulement derrière un écran TV.
Enfants morts, flaques de sang, bulles de decontamination se dressant au milieu du desert, ils doivent tout laisser derrière eux et partir à pied, trouvant ainsi refuge dans une batisse se dressant au bord de la mer.
Si la société de consommation les poursuit (Ciro collectionne les objets et aliments «d 'avant », une bouteille de Pepsi gonflable flotte dans le ciel) le pire ennemi de l'Homme est sa psyche.
Dora et Cino vont tenter de recréer une vie pure et idyllique. Ferreri va alors user de tout son talent de metteur en scéne afin d'illustrer cette précarité et cette quasi utopie par de splendides flous et des cadrages étonnants ( incroyables transitions, cadre dans le cadre, perspectives, farandoles de plans larges et serrés se succedant sans cesse, fabuleuses ellipses afin d'imager le temps qui passe dont cette baleine echouée sur le sable se décomposant pour finir en macabre carcasse...)
Si dans un 1er temps, le couple souhaite plus que tout retrouver une civilisation tout espoir meurt vite, symbolisée par cette bouteille de Coca gonflable derivant dans le ciel. Il n'y a plus rien, plus d'humanité, tout est creux et vide. C'est alors qu'ils vont apprécier leur vie en solitaire mais la menace est là et elle s'apelle L'Homme!
C'est déjà aux mêmes en voulant reconstruire l'Humanité telle qu'elle était avant symbolisée ici par cet amoncellement d'animaux empaillés, cette obsession de Cino pour son musée des objets, restes derisoires de notre monde. L'homme reconstruit toujours ce que sa conscience lui dicte, recreant ses erreurs, trahissant sa nature profonde.
La batisse elle même, écrasante, gigantesque, se dressant au milieu de nulle part sur cette plage symbolise en elle même la perte de liberté et ce au profit de sa sécurité. L'Homme s'emprisonne au detriment de sa propre indépendance.
Ferreri détruit les institutions également notamment l'administration liée à la religion ici representée par un groupe de fonctionnaires au visage masqué montant cheval et leur jeune chef tenant un registre de recensement gigantesque et cadenassé, cruelle satire de ce qu'est devenu le système, système que Ferreri represente ici par un gigantesque cimetierre de pantins, poupées plastiques effrayantes rangées cote a cote.
La menace c'est aussi l'Homme, les autres, ici cette jeune femme du monde venue s'installer avec le couple qui symbolise la jalousie et les instincts meurtriers de l'Homme, sentiment dont découlera la violence extreme.
L'inconnue, perfide et perverse, tentera de voler Cino à Dora afin d'enfanter mais sa cruauté se retournera contre elle. Enfanter est pour Dora inconcevable. Un enfant c'est la valorisation sociale et adherer au système en place, ce qui entraine la perte de sa liberté a tout niveau. C'est ce que Dora ne peut accepter en « nouvelle femme » qu'elle est.
Ceci permet à Ferreri une séquence assez incroyable, d'une noirceur étonnante où il peut montrer le retour de l'Homme vers un certain coté primitif, le cannibalisme.
C'est alors que Cino poursuivra l'oeuvre perfide de l'Inconnue, surnois et egoiste, ne pensant qu'a lui dans sa mégalomanie d'avoir des milliards d'enfants, repandant à son insu la semence de l'homme, soit le sperme


Dora, nouvelle Eve, voulait rester vierge et pure gardant ainsi toute sa liberté. L'image de la Vierge Marie décapitée tenant l'enfant Jesus mort dans ses bras au Milieu de Rome détruite fait écho a ce statut qu'elle prone.
La raison mène au chaos et à la guerre, la liberté de l'Etre Humain a disparu au detriment de valeurs et de morales destructrices.
La liberté ou la mort telle est la conclusion de Ferreri, magnifié dans un final aussi inattendu que cruel et pessimiste, d'une noirceur stupéfiante qui en laissera pantois plus d'un. Le vide, le Rien dans un nuage!
Il ne se passe pas grand chose dans le film qui tire vers le film atmospherique mais ce rien est captivant, fascinant, chaque image dégageant quelque chose d'insolite, ou de mysterieusement naturel.
C'est aussi toute une imagerie tres 70s qu'on y retrouve.
Dans les roles principaux on retrouvera la pasolinienne Anne Wiazemski vue dans Theoreme et Porcherie ( comme on aime ce titre




A leur coté, la Rassimov, soeur d'Ivan bien sur, toujours aussi garce et etonnant, notre annie girardot en veritable salope qui finira découpée à la hache et mangée en roti saignant!! Un régal d'humour macabre.
Un film assez rare à découvrir pour tous les amateurs d'anticipation, d'étrange et de reflexion philosophique.
Le corbeau qui adore s'abreuver de semence virile!
