C'est sur l'invitation de Diana et Ian Grayson que Lucy Harmon, une jeune américaine de 19 ans, vient passer ses vacances en Toscane. Le lieu est une villa magnifique où sa mère, qui vient de se suicider, avait l'habitude de partager sa vie avec la petite communauté d'artistes anglo-saxons des Grayson : Alex Parrish, écrivain gravement malade, Noemi, une femme mûre encore très sensuelle, Carlo, correspondant de guerre, M.Guillaume, un ancien marchand d'art. La présence de Lucy ne va pas tarder à secouer ce petit groupe de soixante-huitards endormis.

Ce Bertolucci, qui marquait véritablement le retour du cinéaste sur sa terre natale 15 ans après La Tragédie d'un homme ridicule, me laisse finalement assez perplexe. L'ensemble est loin d'être désagréable à suivre. Dans la forme - lumières, décors, photo - c'est même un régal pour les yeux. Que du plaisir également du côté de la bande-sonore, conviant notamment John Lee Hooker, Portishead, Cocteau Twins, Billie Holiday et Stevie Wonder à illustrer des séquences où l'image s'accorde harmonieusement à la musique (Bertolucci a toujours été fort dans ce domaine, je trouve). La distribution, mélangeant interprètes italiens, anglais, américain, irlandais et français, vaut assuremment le détour. Enfin, il y a même quelques jolis moments de mise en scène (la scène de la révélation sur l'identité du père de Lucy ou celle de la défloration de l'héroïne).
Mais voilà, ça s'arrête à peu près à cette belle mise en image car côté scénario on a en fait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Que la trame ne soit pas très recherchée, ce n’est pas très important. On a déjà fait des bons films avec moins que ça. Mais à défaut d’une intrigue originale ou très élaborée, on était en droit d’espérer des personnages intéressants et fouillés. Et c’est loin d’être le cas ici. Sorti du personnage de Liv Tyler, le seul relativement soigné, tous les autres sont survolés et alignent tous les clichés au rayon portraits d'artistes / hommes de lettres post-soixante-huitards désabusés. Plus grave, alors qu'en d'autres temps Bertolucci ne se serait pas privé d’épingler cette belle bande d’intellos oisifs, il laisse ici curieusement passer l'occasion et les traite avec beaucoup de complaisance (à l’exception du personnage de l’avocat pour stars, bellâtre dominateur caricatural au possible). Du coup on se demande franchement ce qui a poussé le réalisateur d'œuvres aussi fortes, provocantes et exigeantes que 1900, La Luna ou Un Thé au Sahara à signer cette bluette romantique décorative et sans surprise, dont les quelques audaces s'avèrent bien timides en comparaison de celles précédemment rencontrées dans le cinéma de Bertolucci. A noter que c’est le dernier film de Jean Marais (qui a à peine 10 répliques dans le film, dans un personnage de vieux bougon un peu gâteux totalement survolé) et l’un des derniers de l’excellent acteur irlandais Donal McCann.