Inherit the Wind - Stanley Kramer (1960)

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Superwonderscope
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Inherit the Wind - Stanley Kramer (1960)

Message par Superwonderscope »

1925 : un jeune professeur de biologie (Dick York) est accusé par une cour du Tenessee d'enfreindre la loi en enseignant la théorie darwiniste de l'évolution. Un journaliste (Gene kelly) convainc son journal de payer un avocat. et Un avocat aux idées progressistes (Spencer Tracy) assure la défense contre Matthew Brady (Fredric March), procureur ne jurant que par la Bible/. Ils sont en fait de vieilles connaissances et leur affrontement va rapidement tourner à l'empoignade.

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Inspiré d'un fait réel qui a divisé l'Amérique, dont il ne reprend que les grandes lignes, Inherit The Wind est un vrai tour de force : réussir à passionner un auditoire sur 128 minutes dans un film de procès plutôt statique. Des acteurs possédés par leur rôle, dotés de dialogues percutants, fins et parfois terrifiants et des seconds rôles finement dessinés.

Le film repose tout d'abord sur un affrontement de titans entre l'avocat et le procureur qui se balancent jusqu'à des horreurs, au prix de dépasser même leur propre pensée. C'est néanmoins brillant et maintient une pression assez terrible, le film possédant quelques climax assez redoutables quant à l'interrogation des témoins. Voir la scène où la fiancée du professeur, fille du pasteur du coin, va être coincée dans les paroles qu'elle a malencontreusement lâché au procureur après une séance de prière. Ou l'interrogatoire final entre les deux hommes, anthologique!

Le film garde un aspect étonnamment moderne, tant la théorie de l'évolution est toujours battue en brèche au profit de la Génèse 85 ans après les faits dans de nombreux états américains... mais c'est surtout le courage de monter un tel projet à Hollywood en 1960! Ce n'est pas tant sur la religion et la Bible que se base Tracy pour la défense mais bien sur la liberté de penser et de s'exprimer.

Des scènes sont par contre trop caricaturales pour aller dans un sens vraiment objectif sur les personnages. Brady est un bon vivant qui ne jure et voit la vie qu'à travers la B ible, ses enseignements et son contenu, quitte à le prendre au pied de la lettre, jusque dans ses contradictions. Mais l'interprétation de Fredric March (attention, il est excellent) est trop appuyée pour être honnête... le spectateur va naturellement vers le côté posé et braillard de Tracy, défenseur de l'opprimé... idem pour la scène de prière nocturne, en studio, où le pasteur harangue la foule sur la création du monde en 7 jours qui se finit en monument de fanatisme que même Brady interrompt de par la terreur générée. Idem pour les scènes de liesse populaire où les deux chansons religieuses sont répétées ad nauseam. On sait que la vindicte populaire et l'effet de groupe peut mener à tous les extrêmes (voir les récentes photos de pendaisons de noirs dans les années 20 exposées au festival d'Arles récemment) mais c'est un peu beaucoup ici...

Des mouvements de caméra judicieusement choisis, des placements d'acteurs précis, la msie en scène )à priori sans relief de Kramer prend toute sa dynamique dans les scènes de dialogues, bénéficiant de plans séquences solidement ancrés dans la mécanique du suspense.

Par contre, si le discours contre l'obscurantisme biblique est asséné régulièrement pendant le film et que la liberté d'expression est mise en danger de par des lois iniques et dangereuses, le film recule sur la fin. Comme débordé par tant de véhémence de part et d'autre, Kramer devient tout timide et décide de ne pas choisir. Et c'est en fait le personnage cynique
Spoiler : :
du journaliste qui est révélé comme "le grand méchant" de l'histoire. ne croyant en rien, il découvre finalement que l'avocat est bien croyant et non agnostique, qu'il respectait son adversaire de par sa stature de défendre des idées auxquelles il croit. Kelly le traite d'hypocrite mais l'avocat repart en le toisant, indiquant qu'il finira seul et que personne ne viendra à son enterrement. il repart avec à la fois la bible et le bouquin de Darwin sous le bras
.

Pirouette scénaristique un peu facile qui fait la part belle aux joutes politiques et à la dénonce du journalisme, au regard des enjeux. une déception, en somme, vue la charge déployée pendant deux heures. Mais un film tout de même tonitruant (voire trop démonstratif) dans le débat d'idées et dominé par la performance de vrais monstres de cinéma que sont Tracy et March. Le film rejoint ainsi le cycle de films de procès social qui a vu ses premières heures de gloire à la fin des années 50/debut 60 avec le Compulsion de Richard Fleischer ou encore To Kill a Mockingbird avec Gregory Peck.... et Stanley Kramer, habitué aux "grandes causes", remettra le couvert l'année suivante pour Jugement à Nuremberg.

Vus sur le Z1 MGM, 1.66:1 et NB, 2H08, sans 16/9, copie un peu granuleuse... j'ai vu un titre en VF "procès de singe" mais il me semble qu'il y en avait un autre?
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?
Manolito
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Re: Inherit the Wind - Stanley Kramer (1960)

Message par Manolito »

"Procès de singe" sort la même année qu'"Elmer Gantry" - dont je vous ai entretenu la semaine dernière pour mes 15 lecteurs qui suivent... :D , chez le même studio United Artists, alors assez spécialisé dans les films engagés. Les deux films se recoupent par certains aspects.

Ils se déroulent à la même période (les années 20 américaines) sur fond de revival d'une chrétienté "traditionnelle" (comprendre : fondamentaliste) s'implantant dans les régions rurales du sud américain. Dans "Elmer Gantry", d'ailleurs, une scène montrait déjà le personnage titre tourner en dérision les théories de Darwin au cours d'un prêche démagogique.

Là où les films sont différents, c'est tout de même dans la manière. "Procès de singe" a moins d'envergure, recourt à des ficelles plus classiques du film de procès, une mise en image moins travaillée, des personnages moins approfondis et ciselés. Bref, en allant voir "Procès de singe", on sait ce qu'on va voir et on n'en déviera pas trop : un combat de catch vocal et de charisme entre deux monstres sacrés - Spencer Tracy et Frederic March - au mieux de leur forme, avec un camps des gentils (les évolutionnistes) et un camps des méchants (les créationnistes) bien définis. Kramer fait ici le procès du fondamentaliste dans le sens le plus strict du terme, celui de ceux qui lisent la Bible à la lettre, jusqu'à l'absurde, même dans ses incohérences les plus flagrantes. Brady sera assez facilement désarçonné en fin de compte dans sa croisade.

La fin est en effet assez particulière. Elle rappelle un peu celle de "Ouragan sur le Caine" (la meilleure des productions Stanley Kramer ?) en ce qu'elle éclaire d'une nouvelle façon un personnage a priori positif - Fred McMurray dans le film de Dmytryk, Gene Kelly ici.

Pour moi elle reflète un malaise assez américain sur le rapport entre la science et la religion, entre le rationalisme et la foi. "Procès de singe" a une notoriété en France bien moindre qu'aux USA et chez nous, ce genre de débat paraît exotique. Sans doute car au pays de Pascal et Descartes la conciliation entre la Bible et la science, entre religion et une approche raisonné du monde qui nous entoure est peut-être mieux intégré et résolu.
Spoiler : :
Il me semble que la fin, c'est cela : Tracy part avec sous le bras la Bible et le livre de Darwin, les deux sont pour lui réconciliés et se complètent, inspirent la démarche du personnage. Comment l'Amérique, pays qui s'est fondamentalement construit sur la religion pourrait se passer de religion totalement ? "Procès de singe" n'est alors plus un film contre la religion, mais bien contre la bigoterie et le fondamentalisme.
Dans "Procès de singe", les dialogues sont brillants, la mise en scène plutôt inspirée, le choc Tracy/March nous en donne largement pour notre argent et offre deux heures de joutes verbales en béton armée, certainement unilatérale et rentre-dedans dans sa démonstration, avec des passages parfois caricaturaux (le pasteur terrifiant). Mais c'est du divertissement à l'américaine de bon standing.

Vu sur le dvd US MGM sorti en 2001. Pour un transfert 1.66 4/3 de cette époque, j'ai été très agréablement surpris. D'abord, le réducteur de bruit vidéo et l'"amélioration de contour" sont peu ou pas utilisés, donnant une image extrêmement nette et détaillée, avec une belle profondeur, des textures riches, un rendu du grain d'image parfaitement naturel, avec même certains gros plans bluffants de précision et de détails, n'ayant ârfois pas à rougir face à des transferts HD ! Certes, il y a des légers pépins vidéos (le gilet à petit carreaux de Gene Kelly), des saletés bien visibles par endroit. Mais le télécinéma est un travail très honorable, respectueux d'un beau noir et blanc de cinéma. Pas compatible 24p toutefois. VO mono 2.0 correcte. Avec VF et STF. Servi avec une bande annonce 1.33 4/3 que présente Stanley Kramer lui-même, et qui contient des images de la première à Londres ainsi que sa de son passage au festival de Berlin.
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