Ca faisait un moment qu'on l'attendait celui-là. Du moins moi. Alors que l'adjectif "alimentaire" semble avoir été inventé pour qualifier ses derniers choix de carrière en tant qu'acteur, ça fait déjà plaisir, dans un premier temps, de retrouver Bob sur un projet serieux, carré, intelligent et prometteur. Et surtout, pour la seconde fois après un agréable "Il était une fois dans le Bronx", on a la chance de le retrouver derrière la caméra.
Chance, car si son premier film était une très belle réussite, dans laquelle on retrouvait une évidente filiation avec les oeuvres de son complice de toujours Scorsese, en plus d'une belle introspection autobiographique, son second opus transforme carrément l'essai en nous livrant un produit beaucoup plus ambitieux, personnel, et abouti de bout en bout sur un terrain où on ne l'attendait pas forcément !
"Raisons d'etat" est donc un formidable film politique, qui nous narre près de 30 ans d'histoire des Etats Unis à travers le destin d'un homme, Edward Wilson (Matt Damon, epoustouflant !), et la naissance de la CIA. Et à la manière des grands cinéastes des 70's, le portrait de cette tranche de vie nous est narré d'une façon sobre mais totalement captivante. Le soucis du détail est exemplaire, le soin apporté à la reconstitution est impressionant, et le tout fait preuve d'une rigueur à toute épreuve. Mis en forme dans un classicisme qui en rebutera sans doute certains, le film m'a vraiment happé, passant d'une époque à une autre, de la petite histoire à la grande, le tout est fait dans une sobriété epatante, avec un quasi refus du spectaculaire, mais avec une intelligence et une fluidité qui font que je n'ai pas vu passer les 2h45 de la séance !
Et que dire de l'interpretation ! On se demande parfois si un acteur qui passe à la mise en scène a plus de facilités qu'un "simple real" pour la direction d'acteurs, on peut donc se demander ce que ça donne quand il s'agit d'un des plus grands acteurs du monde : et bien pas de déception sur ce point ! Tout le casting est d'une justesse à tomber par terre, le moindre petit rôle est soigné et fouillé dans les moindres recoins, et la liste des noms a de quoi donner le tournis : Matt Damon, Angelina Jolie, William Hurt, John Turturro, Alec Baldwin, Billy Crudup et je passe des tonnes d'acteurs tous plus brillants les uns que les autres, qu'on les voit 2mn ou tout le film, on sent vraiment les gens impliqués à fond dans ce qu'ils donnent comme si c'était le role de leur vie ! Et cerise sur le gateau, on retrouve Joe Pesci. Un Joe Pesci qui a pas mal vieilli, qui n'avait plus tourné depuis 8 ans, et qui vient faire une brève apparition pour son ami de toujours. Ca m'a fait vraiment plaisir de le revoir.
Voilà, je sais pas trop quoi vous dire d'autre, ça m'a rappellé les Coppola des grandes heures pour pas mal de points, je trouve que ça atteint un niveau d'exigeance et de maitrise que j'ai pas croisé souvent ces dernières années, une oeuvre un peu opaque, assez froide, mais qui craquèle parfois pour livrer quelques beaux moments d'émotion, et surtout de nombreuses pistes de reflexions sur tout un pan de l'histoire contemporaine. Brillant !
