On peut d'ailleurs préciser que cette pratique se prolongea dans ladite Europe, puisque dans les années cinquante par exemple, Christian-Jaque tourna deux versions, allemande et française, de son "Barbe-Bleue" (avec Hans Albers dans la version allemande, remplaçant Pierre Brasseur) et trois versions (suédoise, anglaise et française) de "Singoalla" avec Viveca Lindfors dans les trois (que celui qui vient de dire "je voudrais bien connaître une nana qui possède trois langue" se dénonce et sorte), et vous avez pu voir récemment dans le Ciné-Club de Patrick Brion la version allemande de "Marianne de ma jeunesse" de Julien Duvivier, dans laquelle Horst Buchholz et Ugo Vioff tenaient les rôles dévolus à Pierre Vaneck et Gil Vidal dans la version française...
Tout ce préambule pour dire que Stan Laurel & Oliver Hardy, dont le passage du muet au parlant s'était effectué sans le moindre accroc, ne dérogèrent pas à la règle. Pendant quelques mois, ils tournèrent parfois pas moins de cinq versions de certains de leurs courts-métrages, avec, en plus de la version en anglais, des versions en espagnol, français, allemand et italien. Leur premier long-métrage, "Pardon Us", fut bien tourné cinq fois - mais malheureusement, seules deux de ces versions subsistent de nos jours, l' anglaise et l' espagnole ("De bote en bote"). Les versions allemande, italienne et française demeurent perdues. Dans le cas de la version en français, "Sous les verrous", c'est d'autant plus regrettable que, dans le casting, figurait... Boris Karloff. Le film connu en France sous ce titre, depuis la guerre, n'est évidemment que la version américaine, doublée en français ou sous-titrée. Rien à voir avec la version d'avant-guerre, où Stan & Ollie parlaient effectivement français.
Nos deux compères ne connaissaient en fait pas ces langues, mais apprenaient leurs dialogues "phonétiquement", comme Mireille Mathieu quand elle chante en russe ou en japonais, si vous voulez. Des "cartons" hors-champ les aidaient aussi, bien sûr. Leur accent "américain" enchantaient les Européens, et c'est pour ça que dans la plupart des pays, lorsque le doublage se généralisa, on prit soin, comme en France, de leur conserver cet accent, alors que les autres acteurs américains autour d'eux avaient des voix françaises "normales", ça n'a pas dû vous échapper... même si c'est totalement illogique.
Tout celà parce qu'il n'était évidemment pas question de remplacer Stan & Babe, immensément populaires partout, par des acteurs d'autres pays, comme c'était le cas pour leurs partenaires, généralement.
Bref, j'en viens au sujet de ce topic, ceci étant dit pour réveiller ceux qui s'étaient endormis en lisant ce qui précède...
Bref donc, "The Laurel-Hardy Murder Case", leur hilarante parodie de films d'épouvante dans le style de "The Old Dark House", fut produit en quatre langues: anglais, espagnol, français et allemand.
La version en anglais, c'est celle que vous connaissez sous le titre "La maison de la peur", soit doublé, soit en VOstf.
La VRAIE version française est perdue depuis belle lurette, elle s'appelait "Feu mon oncle" et était, tout comme les versions espagnole et allemande, beaucoup plus longue que leur contrepartie américaine.
Car non seulement on ajoutait souvent des gags pour ces versions étrangères, mais elle étaient en fait la réunion de deux courts-métrages. Les trois versions étrangères de "The Laurel-Hardy Murder Case" étaient donc composées non seulement de ce film, mais aussi de "Berth Mark", leur durée était donc de quarante minutes en moyenne.
La version hispanique, "Noche de duendes", a été retrouvée dans les années 90s et est disponible dans plusieurs DVDs, par exemple dans le coffret de 21 disques sorti en GB par Universal.
Voici trois ou quatre ans, on a retrouvé dans des archives russes (alimentées par les pillages des Soviets dans l'Allemagne occupée) une version presque complète de la version en allemand de "The Laurel-Hardy Murder Case". Le film fut immédiatement restauré, les plans manquants remplacés par des plans équivalents des version anglaise et espagnole. Ce n'est pas si "choquant" qu'on peut le croire à première vue, car chez Hal Roach, en ce qui concerne les versions étrangères, on ne retournait que les scènes de dialogue, ou celles impliquant des acteurs différents que ceux de la version d'origine. Donc, on peut légitimement penser que la version allemande restaurée, DER SPUK IM MITTERNACHT, est conforme à 95% à celle que les Allemands purent voir sur leurs écrans en 1930. Tout comme les Danois d'ailleurs, car apparemment ce fut cette version qui fut exploitée chez eux, en VO sous-titrée.
La grande nouvelle, pour les fans de Laurel & Hardy mais aussi pour tous les cinéphiles dignes de ce nom, c'est la sortie prochaine en DVD, en Allemagne, de cette comédie d'épouvante jusqu'ici introuvable dans cette version. "Der Spuk im Mitternacht" sortira le 17 mars prochain, mais on peut déjà le commander sur Amazon.de
Le prix est de 10,04 euros, pour la France il faut compter environ 6 euros pour le port, et 3 euros supplémentaires pour l'assurance.
On peut juste souhaiter que la dernière version de ce film qui demeure encore perdue, "Feu mon oncle", ne le reste pas trop longtemps. Je me fais vieux, les gars, alors soyez gentils, remuez-vous les fesses et activez les recherches, je ne voudrais pas claboter avant d'avoir vu ça...
Et pour vous encourager, je joins à ce mail la belle affiche française d'époque :
