Gente di rispetto - Luigi Zampa (1975)

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manuma
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Gente di rispetto - Luigi Zampa (1975)

Message par manuma »

Elena Bardi, une institutrice qui vient de s'installer dans une petite ville de Sicile, se fait aborder plusieurs fois par un homme aux manières plutôt rustres, qui commence à l'insulter dès sa descente de bus. Plus tard, l'individu est retrouvé mort. La police soupçonne Elena d'être mêlée au meurtre ...

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Gente di rispetto est seulement le second film de Luigi Zampa que je découvre après Les Monstresses, décevante sexy-comédie à sketchs croisée il y a fort longtemps sur le câble. Il s’agit, me semble t’il, de l’une des rares incursions de ce cinéaste dans le domaine du drame criminel, 2 ans après Bisturi, la mafia bianca. Autour de la belle Jennifer O’Neill, apparaissant pour la première fois au générique d’un film italien, la distribution rassemble James Mason, dans un rôle moins figuratif que ceux que lui réservait alors le cinéma transalpin (voir ses prestations anecdotiques dans La Polizia interviene : ordine di uccidere ou Paura in città), le ténébreux Franco Nero ainsi que plusieurs solides seconds rôles de l’époque, comme Franco Fabrizi, Orazio Orlando et Aldo Giuffrè. Cette production Carlo Ponti est en outre l’adaptation du roman Gente di rispetto de Giuseppe Fava.

Le résultat tient dans l’ensemble de la jolie réussite. Les Maîtres (titre français) proposent déjà une solide intrigue, avec un suspense qui tient la route, un personnage central attachant et un contexte socio-politique soigneusement rendu, bien mis en avant au sein du récit mais n'allant pas non plus jusqu'à dénaturer l’ensemble. Gente di rispetto n’a en effet pas cet agaçant côté bis prétentieux qui ne s’assume pas, que l’on peut ressentir sur certains films de Damiano Damiani par exemple. Zampa joue au contraire pas mal sur l’ambiance, avec une atmosphère à la fois étouffante et morbide (les lugubres mises en scène de chaque assassinat, les cadavres exposés dans l’église ou
Spoiler : :
ceux conservés par Mason dans le bombarbier)
et quelques séquences qui se jouent volontairement du réalisme comme celle
Spoiler : :
du meurtre du balayeur.
Tout ça donne un vrai cachet au film, de même qu'une vraie couleur bis par instant. Concernant le suspense lui-même, on devine certes à l’avance sans difficulté certaines révélations, comme celle de l’identité du tueur / commanditaire des meurtres, mais les motivations de celui-ci demeurent relativement obscures jusqu’au bout. Une autre surprise vient du personnage interprété par Franco Nero, relativement passif, voire effacé au sein de l’intrigue, alors que Jennifer O’Neill est à l’inverse un personnage extrêmement fort et entreprenant, qui n’est d’ailleurs jamais vraiment présenté comme une victime. Intéressante inversion des rôles.

On pourra reprocher au film, qui dure près de 2 heures, de manquer un peu de tonus par moment, mais ça reste globalement un excellent suspense / drame sicilien mafieux. Diffusé actuellement sur CinéCinéma Culte en VM dans une copie qui m'a semblé très propre pour un film assez rare comme celui-ci.
Manolito
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Re: Gente di rispetto - Luigi Zampa (1975)

Message par Manolito »

"Les maîtres" est effectivement un intéressant thriller, original dans sa structure, dans la manipulation orchestrée dont Jennifer O'Nell sera l'objet, gauchiste idéaliste et un peu poire. Elle débarque au sein d'une d'une communauté sicilienne fermé, aux rouages sociaux opaques, lourdement enracinés dans une Histoire sanglante, qui brisera tous ceux qui essaieront de "changer les choses". Un vrai sujet, un vrai regard, une ambiance bizarre maintenue jusqu'au bout, avec néanmoins un brin d'ironie habilement dispensé permettant d'éviter la lourdeur d'un simple pensum politique. Parfois un peu relâché sur le rythme, avec une mise en scène qui aurait peut-être pu être un peu plus personnelle... Mais un film intéressant, méritant d'être découvert (grâce à ciné cinéma club en ce moment...).
Superwonderscope
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Re: Gente di rispetto - Luigi Zampa (1975)

Message par Superwonderscope »

Il est clair que Zampa est a des années lumière du cinéma d'exploitation à la Lenzi, des efforts louables (mais toujours naviguant pas moments dans le Bis) de Martino. Ca se rapproche un chouia d'Ercoli (La Polizia ha le mani ligate), mais il existe ici une certaine ambition de peinture douce-amère et pourtant réaliste des contradictions siciliennes.

Zampa utilise alors les ressorts dramatiques qu'il a déjà expérimenté dans sa période post-neoréalisme. En le couplant avec un point de vue assez original via la manipulation subie par le personnage de Jennifer O'Neill. En fait, le regard porté est tellement ambigu (et le comportement de l'institutrice aussi) qu'on se demande si elle ne fait pas partie elle-même de cette espèce de conspiration générale. Acceptée par le commun des mortels comme une chose "normale".

Les personnages sont particulièrement bien croqués, toujours sous un angle assez pointu, et avec une touche d'ironie mordante. Franco Nero ne trouve sous les pires attaques verbales de par son incapacité à prendre parti (la fameuse "troisième voie") invoquée. Le fait de prendre comme trame à la fois un suspense (on frise la narration/giallo par moments), une peinture sociale désabusée, la dénonciation calme d'un système corrompu - mais subi et quasi accepté par tous/toutes, le film touche pas mal de cordes sensibles.

La visite du village semble surréaliste pour 1975 (c'est juste là où l'histoire est un peut grossière sur la ficelle utilisée, on voit rapidement où Mason veut en venir), mais la dépiction des actes et des réactions pas si éloignée que ça de la réalité. C'est triste à dire, mais ayant de la famille en Sicile et y allant régulièrement, ça se passe hélas toujours de la même manière...


J'ai trouvé assez adroite, quand même, la mise en scène de Zampa en faisant progresser les lieux, (fermés au début, puis ouvert dans les scènes des restes du théâtre de Taormina - avec la discussion entre J. O'Neill et le sénateur, la visite au village - là où toutes les portes s'ouvrent et les possibilités semblent ouvertes -, puis se refermant ensuite sur d'autres lieux clos, comme pour dire que le piège est complété, plus d'échappatoire possible.

La dernière partie, avec la révélation
Spoiler : :
du rôle de james mason et de la marionnette de J. O'Neill, l'endroit de la chute de l'avion, les cadavres gardés..
comme pointé par manuma, garde une saveur là aussi quelque peu cruelle. Comme si les malheurs du passé, le désir de vengeance ne servaient en fait que les mêmes velléités de pouvoir sur l'autre que cette mafia "ordinaire" des "Gente di Rispetto".

Et une jolie fin en pied-de-nez...

En tous cas, j'ai été passionné par le film sur ses 107 minutes, dont je n'attendais pas forcément grand chose... acheté à 3€ à un vendeur itinérant du côté de Naples... là aussi, quelle ironie :D

Le dvd italien possède un transfert 1.85:1 avec 16/9, un trailer, une piste italienne 5.1 et mono d'origine, avec des st italiens (et c'est tant mieux, car certains dialogues sont virtuellement incompréhensibles)
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?
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