Tournée - Mathieu Amalric (2010)

[Superwonderscope]

Joachim Zand (M. Amalric) organise une tournée d'une troupe américaine de New Burlesque à travers les ports français. Tout en tentant de mener une vie personnelle chaotique, il se heurte à ses anciens collègues qui lui vouent une rancœur tenace.



Je suis resté assez perplexe lors de la vision du film et après... il existe une vraie "patte" dans la mise en image et la narration. Des cadrages, une liberté de jeu qui poussent le film quelquefois sur le documentaire, puis sur la fiction parfois abrasive. Les passages les plus intéressants sont ceux avec les filles de la troupe

Ce qui m'a en fait le moins plu, c'est le récit qui bascule vers la virée de Zand à Paris. Le film se concentre alors sur une plongée dans la vie ratée d'un producteur TV déchu (et détesté) et qui a également une vie privée ratée (deux enfants laissés à la dérive). Amalric joue un personnage assez odieux, mais son interprétation me parait trop appuyée pour être honnête. La scène de colère dans le train fait très "film français" dans tout ce que cela possède de surfait et de superfétatoire. Dommage.
Autre chose de dommageable : le fait de laisser de côté certains personnages. Riky Roulette, on le voit l'espace de 4/5 scènes - il fait du skate - il a une fille. Basta. Par contre, le film se rapproche plus du destin de Mimi Le Meaux, à y consacrer le dernier tiers du film. J'aurais bien voulu en savoir un peu plus sur cette galerie de caractères hauts en couleurs, mais la narration délaisse cette opportunité.

C'est au final assez déprimant, malgré des numéros hautement fantaisistes, inventifs et jubilatoires. En fait, le scénario m'a également aussi posé un problème... il ne se termine pas. En fait, il aurait pu encore enchainer deux, trois, dix villes que le constat eut été le même. Et on s'ennuie quelque peu entre deux numéros. 112 minutes pour cela, c'est bien trop long.

De jolis placements produits bien mis en évidence (KFC, Total, Hotels Mercure...) un peu la même sensation que j'ai eu en visionnant Disco... ça me gêne un peu car c'est bien appuyé sur certains plans. je ne suis pas dupe sur la nécessité de la chose, mais quand même!

Constat divisé, donc. Une impression qualitative sur la mise en scène, une évidence. C'est superbe. Pour le reste, c'est quand même parfois superficiel, nombriliste (Amalric fait un showcase de "moi,moi,moi". C'est un peu agaçant au final), comme si le film n'avait fait qu'effleurer son sujet. Mais je ne suis pas mécontent de l'avoir vu.

Vu sur le Blu Ray de chez France Televisions. Les gros plans sont absolument magnifiques. Les couleurs flamboyantes des costumes explosent sur l'écran. les scènes d'in,térieur sont assez bien gérées, par contre les scènes d'extérieur manquent parfois cruellement de contraste (voir les dernières dix minutes, la lumière est quasi blanche)
La piste DTS HD MA ne m'a paru spécialement sortant du lot. Peu de travail sur l'ensemble des canaux (surtout vers l'avant, en fait). Des dialogues clairs la plupart du temps, mais dès que les filles parlent anglais ensemble, on peine à distinguer les dialogues.

En bonus : un descriptif audiovision (une excellente chose, trop rare), des st français (car des dialogues anglais) et un making of + film annonce.

1.85:1 et 1h52

Verdict :

[DPG]

Vu en salles à sa sortie. Je rejoins la plupart des points que tu décris dans ton avis, aussi bien les positifs que les négatifs, mais je dois dire que le film a bien fonctionné sur moi. Malgré tous les défauts, plus ou moins génants, les maladresses, les longueurs parfois, je me suis laissé emporté par ce bout de vie, ce producteur à la dérive, cette troupe de filles très attachantes. C'est vrai que c'est un peu dommage que Amalric ait un peu perdu de vue son sujet (la "Tournée" du titre), se concentrant parfois trop sur son personnage que sur les filles, un peu laissées de côté sur la fin. Mais bon, le bilan était qd même très positif, j'étais sorti de là assez conquis, et j'ai vraiment envie de revoir le film aujourd'hui, ce qui est plutôt bon signe !

[mallox]

Ma limite concernant ce film pourtant plutôt réussi au demeurant est qu'il pompe allègrement "Meurtre d'un Bookmaker chinois " de Cassavetes, en expurgeant au préalable tout le pendant policier. Pour le reste, la peinture, la tranche de vie, et même le décor et les personnages sont quasi à l'identique.

[Manolito]

Je me rappelle qu'à la sortie de "Tournée", Amalric a reconnu totalement l'influence de Cassavetes sur son film ; d'ailleurs, la discussion avec la pompiste (où il dit qu'il va à Paris pour tuer un homme) est un clin d'oeil très clair à "Meurtre d'un bookmaker chinois". Donc un "film sous influence" , mais totalement assumé, donc pas du pompage pour moi...

On repère d'ailleurs d'autres influences, tels les road movies d'auteurs des années 80, à l'ambiance rock, comme les Wim Wenders ("L'état des choses" en particulier, avec l'hôtel abandonné, idée qu'on retrouve à la fin de "Tournée").

Toutefois, à force d'invoquer une influence tutélaire aussi puissante que celle du grand John, "Tournée" se prête au jeu des comparaisons, en sa défaveur. Les acteurs jouent bien, c'est bien filmé, bien mis en scène, la troupe des filles a de la personnalité et donne de l'originalité au métrage. Mais il est vrai que le dernier tiers s'égare en se concentrant trop sur le personnage de l'entrepreneur de spectacle et en perdant de vue le groupe d'artistes.

Intéressant, on sent qu'il y a du potentiel derrière les créateurs de ce métrage, ils se sont appliqués ; mais aussi une sensation d'inachevé, tout comme sa fin suspendue qui laisse dubitatif.

Vu sur ciné + replay...