Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

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DPG
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Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

Message par DPG »

Après un séjour aux États-Unis, Henri Ferré, alias "Le Nantais", revient à Paris pour restructurer le réseau de drogue. Son correspondant, Paul Liski, lui trouve une couverture pour traverser les mailles policières en lui offrant le bar "Le Troquet", qui a pour caissière la très belle Lisette. Celle-ci va très vite tomber amoureuse de Ferré. Pendant ce temps, le Nantais découvre tous les rouages de cette filière de la drogue...


Classique du polar français des années 50, adapté d'un roman d'Auguste le Breton (grand pourvoyeur de sujets pour le cinéma policier français de cette époque), le film nous plonge dans le monde de la came et le milieu du gangsterisme parisien d'après guerre. Ce qui nous vaut d'ailleurs un amusant panneau d'avertissement en préambule, pour éviter que les spectateurs ne tombent dans ce redoutable piège de la drogue et la délinquance ! :D

Sinon, le film. Ma foi, tout plein de qualités, mais aussi quelques défauts quand on le revoit aujourd'hui, plus de 50 ans après sa sortie. Des bons points, on en a dans le casting, solide, sérieux, avec des têtes d'affiches (Gabin, Ventura, Dalio), et de solides seconds rôles, jusqu'à des touts petits rôles débutants parmi lesquels j'ai pu reconnaitre un tout jeunot Marcel Bozzuffi ! Une intrigue qui se tient plutôt bien, même si on est en droit de trouver le scénario un peu "léger". On nous dévoile les rouages et les mécanismes du trafic de drogue, avec moult précisions et protagonistes, on a des personnages avec une vraie profondeur, surtout Gabin, mais bon, à côté de tout ça, ce "background" impeccablement soigné et reconstitué, on peut tout de même reconnaitre qu'il ne se passe pas grand chose, et que le film vaut plus pour son ambiance, son atmosphère que pour ses péripéties trépidantes ! Qui plus est, certaines situations ont un peu vieillis, même si, quelque part, ça nous renvoie aux codes d'une époque. Idem pour la vision très manichéenne du monde de la drogue (consommateurs comme trafiquants) qui sonne clairement comme d'un autre temps. Le final réveille un peu le morceau, même si je n'ai pas été totalement convaincu par un point
Spoiler : :
le fait que Gabin soit un flic, pourquoi pas en soi, mais je sais pas, là j'ai été un peu déçu, je trouve que ça ne colle pas avec ce qui précède, ce côté homme d'honneur assumé, tout ça... Et puis le fait que du coup, au lieu d'avoir un héros bad guy, ou du moins ambigu, on a un film où tout le monde est soit tout blanc, soit tout noir. Mais bon, c'est peut être moi, je sais pas...
Le film reste tout de même un agréable spectacle pour qui apprécie le genre. On se laisse balader avec nostalgie dans ce Paris de voyou en N&B, Gabin est impeccable, le parler parigot de tous ces gangsters sonne toujours aussi bien à l'oreille. Reste quelques facilités ou raccourcis un peu discutables qui empêchent à mon sens le film d'atteindre les plus grands classiques du genre et de l'époque, des "Bob le flambeur" ou "Du rififi chez les hommes" par exemple, me semblent plus aboutis. Un bon moment tout de même, revu sur le BR Gaumont, absolument impeccable.

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Superwonderscope
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Re: Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

Message par Superwonderscope »

Assez d'accord avec DPG. Et le film doit beaucoup à Touchez pas au Grisbi!

Le retournement final n'est pas une surprise en soi
Spoiler : :
il était tout bonnement impossible à l'époque de faire de vrais héros des trafiquants de drogue!
.

Il n'empeche, cette atmosphère de bas-fonds de paris est agréablement rendue. Mention spéciale à Lila Kedrova, hallucinante en camée perdue. A noter une scène assez incroyable de danse de séduction dans un bar/fumerie de marijuana, avec Kedrova dansant à moitié titubante de désir et de drogue, avec une masse de consommateurs (tous noirs) se rassembler autour d'elle... sous-entendus très lourds sur la suite des évenements. Etonnant.

Et Rémy et Ventura sont parfaits dans leurs rôles de tueurs sadiques.

... Bozzuffi, en effet et tout comme une toute jeune Laurence Badie (pour les connaisseurs) en revendeuse de drogue. Avant qu'elle ne soit cataloguée dans la comédie...

Et en effet, il est "amusant" de voir quels sont les hommes et femmes reliées au monde interlope du traffic de drogue : les noirs, les asiatiques, les lesbiennes, les gays... "Paris la Nuit", quoi :D En même temps, décrire une telle galerie de personnages ne pouvait, comme la majeure partie des films des années 50 et 60, que se faire via leur rattachement à la "mauvaise vie". (si on met entre parenthèse des Tricheurs ou Hotel du Nord de Marcel carné).

Decoin aimait d'ailleurs plutot bien ce cote borderline de la sexualité (Dortoir des grandes, par exemple), mais toujours teintée de ce côté négatif propre aux années 50. Mais bon, aussi, Decoin n'a jamais été un très grand réal non plus... un bon faiseur, tout au plus. Qui trouve quand même ici un poil supérieur aux adaptations planplans pépère des Grangier et autres De la Patellière qui œuvrèrent pour pépé gabin par la suite.

C'est peut-être un petit peu long pour son sujet. le scénario n'a pas vraiment l'air de faire progresser quoique ce soit pendant une heure, hormis le fait de "montrer" les mécaniques de reventes. Mais en effet, la fin montre clairement que les auteurs n'ont pas spécialement le courage d'aller au bout du sujet... ceci dit, le film reste très honorable, et je suis très loin d'etre un fan des polars français des années 50. Il y a ici un côté rentre-dedans qui lui donne un coté plutot sympa.

Vu sur le dvd gaumont de 2006 (je crois?) avec une copie de très bonne facture et des contrastes bien gérés pour la copie noir et blanc. Piste audio agréable, et les dialogues parfois bien lancés qui se détachent bien du reste...
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Re: Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

Message par ANTISOCIAL »

Spoiler : :
la morale de l'époque était aussi, que les héros ne sont pas des truands, s'ils le sont, c'est pas très recommandé qu'ils gagnent à la fin... exemple touchez pas au grisbi, la fin du film est totalement différente de celle du livre, où le héros empoche le magot...
la donne change aussi avec une comédie comme le cave se rebiffe, où les gentils méchants gagnent le pactole, mais cette fois, c'est de l'argent lié à de la fausse monnaie étrangère...
J'aime bien l'aspect "Paris la nuit" de ce film, les codes des années 50 sur le monde noctambule et interlope d'alors, en gros dans quoi chacun est spécialisé...
Ce que j'aime bien également, c'est la manière de montrer sans dévoiler, avec un langage un peu codé d'époque, contrairement à aujourd'hui où tout est sur-expliqué pour bien faire comprendre aux deux cons au fond de la salle qu'untel est pédé parce qu'il écoute du mylène farmer ou se travestit...
Peut-être à l'époque ça paraissait très clair, mais aujourd'hui...
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Re: Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

Message par Superwonderscope »

ANTISOCIAL a écrit :[
Ce que j'aime bien également, c'est la manière de montrer sans dévoiler, avec un langage un peu codé d'époque, contrairement à aujourd'hui où tout est sur-expliqué pour bien faire comprendre aux deux cons au fond de la salle qu'untel est pédé parce qu'il écoute du mylène farmer ou se travestit...
Peut-être à l'époque ça paraissait très clair, mais aujourd'hui...
Je ne suis pas d'accord sur ce point. Au contraire, c'est assez clair et peu ambigu. La tenancière du restau où se rencontrent Gabin et Kedrova est une lesbienne garçonne habillée en tuxedo de type direct de "chez Moune". On peut pas faire plus évident. Idem quand Kedrova rend visite à son revendeur, qu'elle appelle d'un surnom féminin, et la remarque très efféminée qu'il fait à Gabin sur son côté brute sauvage.
Si certains films plus ou moins récents sont d'une légèreté éléphantesque sur la dénomination de qui est qui (nardi Style), du type Pédale Douce/Dure ou autres "divertissements" à la kolossale finesse, ça a quand même nettement évolué depuis. les stéréotypes ont largement disparu, en majeure partie - qu'on parle de racisme ou de toute autre forme d'ostracisme.

Chez Decoin, on se situe en plein dans les années 50 où il fallait nommer pour faire comprendre, en effet. Les rares exceptions étant justement chez Carné -je pense à l'Air de paris, parmi d'autres - (ou encore dans Quai des orfèvres, le personnage de Simone Renant - où là on est justement dans le langage codé), mais qui confirment la règle d'époque. Ca changera avec la nouvelle vague pour le représentation des minorités visibles ou invisibles...
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Re: Razzia sur la chnouf - Henri Decoin - 1955

Message par ANTISOCIAL »

ben je ne sais pas si en 1955, les spectateurs de province connaissaient les boites style le Monocle, ou "chez Moune"... je ne me rappelle pas dans ce film que le revendeur faisait plus efféminé que ça (dans un Maigret ils arrêtent un type qui "trainait trop près d'un édicule", une fois qu'on a compris ce qu'est un édicule, ça s'éclaire, mais le type en lui-même... c'était pas Zaza Napoli).
Du coup, pour l'époque, les Provinciaux qui ne connaissaient pas tout ce monde de la nuit, et un peu plus libéré, ils captaient tu crois ?
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