
Dans ce film, on suit l'architecte Howard Roark qui tente de se faire un nom dans les États-Unis des années 20/30. Mais, plutôt que de faire comme les autres architectes de son temps, c'est à dire copier, adapter et suivre les idées de ses clients, il n'accepte aucun compromis quitte à finir à la rue et à retourner travailler dans une carrière si besoin.
Ce caractère bien trempé mais aussi incompris et son individualisme potentiellement dangereux pour les adeptes du collectivisme vont lui attirer l'amour d'une femme, un soutien inattendu et la haine de quelques élites.
Le film est sorti de l'ombre en France suite à la publication des bouquins de Ayn Rand en France, tel que La Grève il y a trois ou quatre an et surtout de La Source Vive ("The Fountainhead"), qui vient d'être réédité chez Plon cette année.
Le film est adaptée par Ayn Rand elle-même. Pour avoir lu le bouquin avant de voir le film, je trouve que le travail d'adaptation est remarquable car elle a réussi à couper dans les 700 pages du bouquin pour tirer 2h tout en conservant l'essentiel des intrigues, le caractère des personnages mais surtout la philosophie du film.
Donc, suite au succès du bouquin sorti en 1943, Warner se lance dans l'adaptation avec un budget confortable de 2 millions d'euros, King Vidor à la réalisation, Ayn Rand au scénario et Gary Cooper dans le rôle principal.

On peut tout d'abord noter que Gary Cooper semble trop vieux pour jouer le rôle d'un jeune architecte. Mais, comme toujours l'acteur s'en sort bien et est bien soutenu par des seconds rôles intéressants, dont la jolie Patricia Neal.
Techniquement, on a là un film très bien tourné. La mise en scène de Vidor est en phase avec le thème, les décors sont très bons et les acteurs au point. Il y a peu de reproche à faire sur la forme, même si tout va un peu trop vite avec des dialogues fleuves incessants.
Mais, il ne faut pas se tromper, c'est bien Ayn Rand qui est aux commandes de ce film.

Spoilers possibles dans la suite (mais pas sur l'intrigue, seulement sur le "message")
Même si j'ai apprécié le film, je reconnais que ce petit traité d'objectivisme au cinéma est assez lourd à digérer pour celui qui ne connait pas déjà cette philosophie ou qui n'est pas coutumier du libéralisme Randien (on peut parler d'égoïsme comme une vertu aussi). J'ai un peu de chance car avant d'attaquer le bouquin, j'avais déjà lu La Grève qui est plus didactique et complet dans son approche.
Il en résulte, à mon sens, un film assez unique dans son fond.
Je qualifierait aujourd'hui ce film de fou dans son jusqu'au-boutisme à balayer un modèle social (ou son idée) ancré dans de nombreuses cultures et politiques.
Donc, le film avance d'hypothèse que ce qui gangrène notre société c'est l'idée d'une moralité qui consiste à aider les autres plutôt que soi-même.
Ainsi, Ayn Rand avance dans son œuvre que la seule morale valable est celle de l'égoïsme et de la recherche du bonheur. (une idée partagée par les pères fondateurs des USA dans la constitution américaine mais écartée chez nous, d’où un décalage culturel important).

Le film matérialise cette idée à travers le personnage principal du film (Gary Cooper).
Pour lui, son travail lui appartient, il sait comment construire un bel immeuble et ne laisse personne lui dicter ses choix.
Mais, avec cette démarche, il ne trouve pas ou peu de travail car les clients souhaitent toujours mettre leur grain de sel et personnaliser leur immeuble.
Il refuse alors toute aide financière et passe un moment à travailler dans une carrière à casser des cailloux qui serviront à construire les bâtiments qu’il ne pourra pas dessiner.
De l'autre côté, l’idée « d’une collectivisation des idées » (je n'ai pas trouvé d'autre terme plus joli) est soutenue par un célèbre éditorialiste d’un journal qui cherche à influencer les élites à travers l’opinion publique en avançant la thèse que le bien de tous est ce qu’il y a de plus important pour la société et qu’on ne peut se laisser faire par des individus. Les gens les mieux placés dans la société ont alors le devoir moral d'aider ceux qui ne sont pas aussi bien placés qu’eux sur l'échelle sociale.
Cependant, laisser l’opinion dicter ce qui est bon ou non a aussi ses limites. Les immeubles conçus par des architectes qui disent « oui » à tout ne sont ni réussis esthétiquement ni fonctionnels ou s’avèrent trop chers pour les locataires.
L’État doit alors subventionner la construction de logements sociaux pour aider les plus pauvres à se loger. Mais à qui l’État va s’adresser pour la construction de ses logements à loyer modérés ? Aux mêmes architectes capables de dire « oui » à tous les caprices des différents acteurs de la chaîne administratives. Les projets n'atteignent alors pas leur objectif principal qui est de loger les gens au moindre coût.
Ayn Rand arrive à sa conclusion via une démonstration forcée et à l’issu d’un procès surréaliste.
L’individu doit exister pour lui-même et pas pour les autres. De même, l’individu ne doit pas vivre au crochet des autres (en terme d'argent bien sûr, mais plus généralement en terme d'idée).
La liberté est donc ce qui prévaut et doit être préservée.Inutile de dire que le film n'a pas convaincu au moment de sa sortie, même aux USA malgré la succès du bouquin...
Clairement, on sort de tout ceci assez déboussolé et j'ai du beaucoup me documenter pour absorber tout cela et arriver à vous le vulgariser ici (et encore, il y a des lacunes et une carence en vocabulaire dans mon texte). Le plus simple pour raisonner à propos de l'objectivisme se serait de transposer tout le roman (ou le film) La Source Vive dans le monde du cinéma ou un autre domaine qu'on connait bien.
J'espère donc que le débat restera courtois (si quelqu'un à la courage de lire ce que j'ai écris) et centré sur le film - que je vous recommande.
