Hé bien, je rejoins plutôt orco parmi les rares défenseurs d'"Annihilation" dans les parages !
Voici un film de science-fiction qui marche sur les traces de "Stalker" bien sûr, mais aussi les souvenirs encore vivaces des zones contaminés telles que Fukushima ou Tchernobyl. Une mission désespérée de scientifiques se rend dans une étrange zone de Floride en pleine mutation depuis qu'un astéroïde s'y est écrasé, une zone qui s'étend imperceptiblement, mais inéluctablement.
Cette zone a pour effet de créer toute sorte de mutations chez les animaux et les végétaux, mais aussi chez les humains qui s'y aventurent. Il en émane des puissances semblables à de la radioactivité, qui sèment le chaos dans l'adn et le système cellulaire des êtres vivants, rebattant les cartes de l'évolution et les lois de l'univers.
Les lois de l'univers en question, ce sont ces lois mystérieuses qui donnent à une cellule l'élan de vie la menant à se reproduire, qui poussent une plante à pousser, qui poussent des hommes à avancer dans leur vie. Mais cette pulsion de vie est aussi accompagner de pulsions de mort, de destruction, d'échec, qu'on trouve aussi bien dans l'âme humaine que dans le vieillissement des cellules, dans des les maladies telles que le cancer et autres métastases destructrices.
C'est vraiment le coeur du métrage et du parcours de ses personnages, et il est totalement illustré à partir de l'exploration du phare que je trouve de loin la partie la plus réussie, la plus ambitieuse artistiquement et thématiquement. Les forces mystérieuses du météore transforment la matière en énergie, puis l'énergie à nouveau matière, dans un processus complexe et poétique, sorte de mini big bang à l'échelle de quelques individus.
Je n'ai pas trouvé tant d'incohérences qu'on a bien voulu nous le dire. Le comportement des personnages est chaotique : certes, mais on nous explique que la zone les fait agir de manière irrationnelle, perdre la raison. Le passage du temps n'est pas clair, mais là aussi, on nous explique que le temps ne s'écoule pas dans la zone comme ailleurs (le film joue beaucoup sur cette ambiguité : une des premières questions posées à Lena est combien de temps pense-t-elle avoir passé dans la zone)... Cette mission est désespérée : oui, mais, cela fait un an que personne ne trouve de solution au mystère et au péril représenté de la zone X : donc une mini mission suicide de 5 personnes, ça ne change pas grand chose. Bref, ce n'est pas un film de James Cameron tout américain et tout carré, et il faut faire preuve d'un peu de souplesse intellectuelle de temps en temps !
Par contre, le film a quand même des problèmes de structure, avec en particulier le voyage dans la zone X qui s'avère monotone, manquant de surprise. Les attaques animales font remplissage, ne semblent pas être ce qui a le plus intéressé Alex Garland : il paraît se plier d'assez mauvaise grâce à ces scènes d'action obligées. Le film retombe sur ses pattes à la fin, devient un tout cohérent, mais il faut être patient et c'est clair que ce film, sans doute imprégné des influences de Tarkovski (en particulier "Stalker" et "Solaris"), manque d"équilibre et de fluidité. Mais "Annihilation" est une oeuvre ambitieuse et originale, stimulante malgré ses défauts.
Vu sur Netflix.