Curieux de découvrir Alfonso Brescia en dehors de ses films de SF ringardo-pouetpouet, un réalisateur qui, comme nombre de ses compatriotes, a pourtant œuvré dans de très nombreux genres au gré des modes. Les Contrebandiers de Santa Lucia est donc un poliziottesco assez différent du tout venant, avec une fibre sociale bien plus marquée : les quartiers pauvres de Naples sont au cœur du récit, avec ses familles nombreuses et ses légions de gosses qui vendent des clopes à la sauvette, véritable poumon économique (!) que tente de réguler la police locale. Mais un trafic plus sombre encore se profile, l'héroïne, au point de fédérer flicaille et mafia (on retrouve le même genre de considération vaguement noble dans les yakuza eiga).
Le film avance a un rythme tranquille et se montre chiche en action (la scène de cascade automobile sur le train est impressionnante mais elle aurait été piquée à une pub pour Fiat !) tant il préfère s'intéresser à la population napolitaine, ce qui n'est pas désagréable. Au point, d'ailleurs, de reléguer le commissaire au second plan pour laisser plus de place au parrain dans la résolution de l'intrigue. J'aime bien également comment Brescia aborde avec sérieux la relation entre les deux mômes, adultisés par la pauvreté. Et dans un autre registre, comment il se fait sa pub frontale pour un autre de ses films, Lo Scuzzigno, s'offrant même un caméo !
Les Contrebandiers de Santa Lucia reste un film mineur, sans trop de budget ni de génie cinématographique, mais à l'approche sociale et napolitaine pas déplaisante. En bonus du BR édité par Artus, Curd Ridel développe la carrière de Brescia et particulièrement sa série de polars consacrés à Naples, avec la récurrence de Mario Merola en rôle principal ; l'homme était en effet une vedette de la chanson napolitaine, la sceneggiata, avec 120 45 tours et une cinquantaine d'albums à son actif ! Il évoque également le parcours de certains acteurs du film : Antonio Sabàto, Gianni Garko et Jeff Blyn.
