TERRAIN VAGUE de Marcel Carné (1960)

mar. sept. 07, 2004 9:27 am

DVD Z2 pas cher (2,99 € chez cdiscount) sorti dans la collection Cuné club chez Dvdy. Digipack.

1H42
N&B
1.66:1 - 4/3
Mono.

Dans une banlieue est construction, une bande de jeunes adolescents désoeuvrés tue le temps autour d'un terrain vague dans une usine désaffectée. le jeune chef (daniele Gaubert) va se désolidariser du groupe lorsqu'arrive un memebre plus agé(Constantin Andrieu) va vouloir passer à des choses plus dangereuses.

44 ans après, le film étonne par sa modernité. en effet, tourné au beau milieu des immeubles en construction de la banlieue sud de Paris en 1959, Marcel carné entrevoit les problèmes qu'on retrouve aujourd'hui : démission des parents, désinteret de la jeunesse, désoeuvrement, menus larcins, nouvelle famille = la bande...dans un environnement glauque, sans horizon, sans avenir : un terrain vague boueux entre deux immeubles sans vie.

Avec certes le language de l'époque "c'est bath" "t'as pas une pipe? -pour cigarette-" mais le concept (dont le noeud central de l'histoire est un petit démarquage de rebel without a cause) reste étrangement d'actualité. de magnifiques décors (l'usine désaffectée, l'immeuble) où la caméra se meut d'une manière très fluide. Voir les plans séquences du générique, la caméra qui descend le long de la façade de l'immeuble et qui laisse découvrir ce qui se passe dans chaque appartement via leur fenetre.

Au niveau de personnages, la bande jeune est bien vue (effet"meute" au final) et les acteurs plutot convaincants. Danièle gaubert (future Camille 2000 chez radley Metzger et future Mme Jean-claude Killy) est étonnante en garçonne chef de bande (plutot avant-gardiste pour 1960, d'ailleurs).

les tensions sont nombreuses au sein du groupe et marcel carné pousse un peu plus loin le bouchon amorcé dans Les tricheurs. les références à l'homosexualité sont plus prononcées : outre la présence rassurante de Roland Lesaffre (as usual) qui s'en va voir "un copain" à un moment, le jeune Marcel (Constantin andrieu) s'en va faire chanter un blond allemand musculeux (nommé Hans mais dont je ne connais pas le nom d'acteur) tous pecs dehors...et de le mencaer de "tout révéler"...et que "cela ne le dérangerait pas de l'avoir sous son toit" comme avant

. Etonnant pour 1960.

n'échappant pas à un certain ton mélodramatique à la fin (bon , je dois avouer, je m'y suis laissé prendre un peu), le film reste poignant. la bagarre finale est plutot brutale, la fin laisse espérer une entrevue heureuse, sans pour autant apporter de solutions.

Il reste que Marcel carné avait quand même compris quelque chose avant tout le monde.
Déjà que la nouvelle vague qui avait tenté de l'enterrer avait tort. répondant coup pour coup en lançant les tricheurs (dans se version jeunesse dorée st german des près) puis dans la jeunesse trendnace blousons noirs pauvres des banlieus émergeantes. Avec toujours un cadre social bien précis, jamais moralisateur -bien au contraire, on dénote une certaine tendresse pour le voyou comme le faisait Jean Genet-

Une belle réussite.

Tous les jeunes acteurs (dont certains à la beauté fulgurante!) n'ont pas eu de suite à leur carrière, hormis peut etre...Claudine Auger qu'on entr'aperçoit.

Le DVD est de bonne facture. la copie (un peu griffée au début) apparait néanmoins lumineuse. les scènes d'exposition donnent bien le change quant à l'aternance ombre/lumière. Bell qualité générale.

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 9:32 am

Un "film de jeunes" fait par un vieux qui n'y comprend rien. Le Carné de cette époque c'est pas regardable.

mar. sept. 07, 2004 9:39 am

Pas du tout d'accord. Cet oeil adulte sur une jeunesse désoeuvrée et marginale (dont peu de films ont traité le sujet) me parait plus intéressant et, au contraire, visionnaire, que beaucoup du reste des films des années 60. Je ne vois pas en quoi "il n'y comprend rien", d'ailleurs, selon tes termes.

Superfly · Message par **Superfly** » mar. sept. 07, 2004 10:55 am

Ben moi je vais suivre Wonder ... déjà parce que le dvd coute kedalle ... mais en plus le dernier film de banlieue que j'ai vu c'était la Haine, un film sur les jeunes filmé par un jeune et j'ai trouvé ca pourri !!

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:12 pm

Bon. C'est vrai. c'est pas le problème d'être biologiquement jeune ou vieux. Disons que ce qui me semble médiocre chez le Carné de cette époque (cf Les Tricheurs) c'est le regard à la fois moralisateur et libidineux qu'il pose sur ces personnages. Mon dieu, les jeunes quelle immoralité !Il était temps que la Nouvelle Vague se pointe.

Superfly · Message par **Superfly** » mar. sept. 07, 2004 12:14 pm

Houlla ne pas parler de La Nouvelle Vague et de Carné en même temps sinon je sors mes griffes

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:18 pm

Ha ha !

Cela manquait. Un débat sur la Nouvelle Vague.

Superfly · Message par **Superfly** » mar. sept. 07, 2004 12:26 pm

Tu sais lesgens de la Nouvelle Vague ont reconnus eux même avoir chié sur les "vieux" pour se faire connaitre. Comme si maintenant un jeune chiait sur Tavernier en somme. Quand on voit certains films dela nouvelle vague je rigole doucement car ils n'arrivent pas à un bout de couilles d'un Carné. Tu peux me filer tout les Dernier Métro du Monde c'est quand même super loin des Enfants du Paradis.

J'avais lu qu'après 15 ans de Nouvelle Vague il y'avait plus un seul décorateur en France capable de faire de beaux décors. Quand tu vois qu'un Trauner a bossé sur Vive les Femmes et Subway ca fout les boules.

mar. sept. 07, 2004 12:39 pm

marchenoir a écrit :Bon. C'est vrai. c'est pas le problème d'être biologiquement jeune ou vieux. Disons que ce qui me semble médiocre chez le Carné de cette époque (cf Les Tricheurs) c'est le regard à la fois moralisateur et libidineux qu'il pose sur ces personnages. Mon dieu, les jeunes quelle immoralité !Il était temps que la Nouvelle Vague se pointe.

je ne comprend pas ta réaction

Au contraire, il est tout sauf moralisateur, son regard. Dans Terrain Vague, justement, il décrit une bande qui s'est forgé sa propre morale, tout en évitant d'y porter un quelconque jugement.
La seule morale qu'il veuille bien imprimer au film ici, c'est la démission des parents. mais à aucun moment cette jeunesse n'y est décrite comme immorale, bien au contraire.
Quant à libido du regard, il est clair qu'il a un faible pour les voyous et il n'est jamais allé à l'encontre de ceci (voir le traitement réservé à Lacenaire dans les Enfants du Paradis, de l'ami que présente laurent Terzieff à Jacques Charrier lors de la première fete dans les Tricheurs, Roland Lesaffre dans L'Air de Paris, le personnage de Marcel ici...). et que la jeunesse exerce une certaine fascination : il les a tous et toutes rendus très félins.

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:40 pm

Sur la mauvaise foi parfois injuste de cinéastes de la Nouvelle Vague (Truffaut en tête) bien d'accord. C'était stratégique
Le dernier métro c'est du cinéma figé. Un peu comme du Carné

Donc assez d'accord sur le jugement que tu portes sur ce film.
Par ailleurs oui. La NV s'est attaquée au cinéma de "studio". On peut certes le regretter mais il me semble que :
1) Celui-ci était esthétiquement sclérosé à la fin des années cinquante
2) Elle a introduit une manière de filmer la réalité passionnante. Le cinéma américain des années 70 (que nous aimons tous) en a retenu les leçons dans la captation d'un paysage brut, concret, sale.
Enfin quand on compare les héros des 400 coups à ceux de Carné on y trouve une véritable ambiguité qui fait qu'on ne sait pas s'il est sympa ou non, et en fait il l'est tour à tour.
Enfin ce n'est pas la faute à la NV si personne ne s'est trouvé pour faire bosser Trauner sur un film décent.

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:51 pm

je ne comprend pas ta réaction

Au contraire, il est tout sauf moralisateur, son regard. Dans Terrain Vague, justement, il décrit une bande qui s'est forgé sa propre morale, tout en évitant d'y porter un quelconque jugement.
La seule morale qu'il veuille bien imprimer au film ici, c'est la démission des parents. mais à aucun moment cette jeunesse n'y est décrite comme immorale, bien au contraire.
Quant à libido du regard, il est clair qu'il a un faible pour les voyous et il n'est jamais allé à l'encontre de ceci (voir le traitement réservé à Lacenaire dans les Enfants du Paradis, de l'ami que présente laurent Terzieff à Jacques Charrier lors de la première fete dans les Tricheurs, Roland Lesaffre dans L'Air de Paris, le personnage de Marcel ici...). et que la jeunesse exerce une certaine fascination : il les a tous et toutes rendus très félins.[/quote]

Pardon. je découvre ton post. Ce n'est pas le fait qu'il jette un regard libidineux sur les jeunes voyous qui me gène (Au contraire vive Genet. C'est plutôt le fait qu'il me semble que tout cela se double d'un regard de père fouettard. Ce que tu sembles confirmer en parlant de démission des parents. Et puis trouver Roland Lesaffre érotique ?

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:53 pm

Oups pardon. J'ai merdé avec les balises.

Superfly · Message par **Superfly** » mar. sept. 07, 2004 12:55 pm

le cinéma à la fin des années 50 était sclérosé comme à la fin des années 70 et en ce moment même en France. La vie évolue, les mentalités et le cinéma aussi.
Pour Trauner comme tu as dis, la mode des tournages Studio étant passé, y'avait plus grand monde dans les années 80 pour faire un décor. Et quand tu vois les décors des films des années 80/90 tu pleures. j'appelle ca la déco SFP

marchenoir · Message par **marchenoir** » mar. sept. 07, 2004 12:59 pm

Superfly a écrit :le cinéma à la fin des années 50 était sclérosé comme à la fin des années 70 et en ce moment même en France. La vie évolue, les mentalités et le cinéma aussi.
Pour Trauner comme tu as dis, la mode des tournages Studio étant passé, y'avait plus grand monde dans les années 80 pour faire un décor. Et quand tu vois les décors des films des années 80/90 tu pleures. j'appelle ca la déco SFP

Et bien sur tous ces points on est plutôt d'accord.
Encore que parfois la laideur d'un décor pourrait être justifiée par le film.

kayman · Message par **kayman** » mar. sept. 07, 2004 1:14 pm

Je vois pas ce que Les Tricheurs a de moralisateur, faudrait que je le revois peut etre

Pour le reste l'éternel débat pro nouvelle vague "chouette c'est la révolution" contre le reste du monde des vieux décatis m'a toujours hautement soulé. Ca devait etre drole à l'époque "ouais jetons des pavés dans la mare et déféquons sur les vieux" mais c'est surtout l'essence même du débat qui a je trouve mal veilli. Y a du bon par la, et aussi par ici...mais rarement partout. Quand je me revois un Rossellini, je ne comprends décidemment pas ce que la nouvelle Vague a inventé en terme de mise en scène, par contre en terme de ton et de fraicheur y a pas mal de choses qui me captivent.