
Giallo tourné en 1970 par Sergio Bergonzelli, Nelle pieghe della carne prend comme départ une citation de Freud donnant ainsi le titre au film, à savoir que tout ce qui s'est passé est ancré dans nos cerveaux, dans les replis de la chair et influe inconsciemment sur nos actions.
Séquence pré-génèrique: Un homme traqué par la police se réfugie dans le parc d'une propriété où une femme enterre un cadavre sous les cris nerveux et le regard carnassier de deux vautours et d'un petit garçon, impassible et complice. Images bleutées pour tension moite jusqu'à l'arrivée des policiers ignorant le drame venant arrêter le truand.
Dans les replis de la chair , giallo tortueux, va alors presenter une galerie de personnages féroces et névrosés, une famille d'apparence tranquille mais qui cache tous autant qu'ils sont un inavouable secret, une vérité, ces certitudes dont on se convaint mais qu'un rien vient ébranler.
Monté comme une pièce de théatre, le film nous présente un à un ces personnages étranges.
Dans l'acte 1, on se trouve projeté treize ans après la séquence pré-génèrique avec l'arrivée de Michel, cousin indésirable.
Bergonzelli en profite pour presenter toute la famille.
Il y a Colin le jeune neveu qui élève ses vautours qu'il couvre d'un étonnant amour et qu'il nourrit de viande humaine en visitant les cimetières.
Françoise la chatelaine qui a hérité du domaine à la mort de son père, Mr André, disparu en mer treize ans plus tot et qui collectionne les ossements humains.
Lucille, la gouvernante, est toujours là, rôdant telle la mort, surveillant, régnant sur le domaine et la famille comme si elle était la maîtresse des lieux, ombre menaçante, froide et mystérieuse.
Michel fouille, cherche sans s'apercevoir que Lucille l'observe dans l'ombre, tel un cerbère veillant férocement.
Lucille est le pivot de cette première partie jusqu'au moment où Françoise tue Michel sous ses yeux et ceux de Colin.
Françoise est alors assaillie par une foule d'images floues surgies d'un lointain passé. Plongeant dans un état second, elle semble sombrer dans la folie.
Des images d'une incroyable violence l'envahissent, une petite fille court et hurle puis tout s'arrête. Dés lors, le film prend une autre tournure, Françoise va occuper le devant de la scène. Tout va alors tourner autour de sa schizophrénie, feinte ou non. Acte 2
Quel lien unit donc Lucille et Francoise? Le film glisse vers l'horreur indicible.
La famille se montre diabolique. Lucille et Colin prennent un malin plaisir à faire disparaître les corps en les plongeant dans des bains d'acide bouillonnant et de transformer leurs os en savon ce qui nous vaut quelques plans gore fort réjouissants de têtes décomposées surnageant dans les bains ou de globes occulaires remontant à la surface.
On pense à Blue holocaust en voyant de telles scènes. Les bains d'acide, les cadavres décomposés, les macabres besognes des deux personnages, leur fascination pour la mort sont autant de similitudes avec le film de Joe d'Amato.
Comment ne pas penser également à Iris, la gouvernante de Blue holocaust en voyant Lucille qui pourrait être sa soeur jumelle.
Arrivée d' Alex, l'ami de Michel, et le film prend une tournure encore plus malsaine où l'érotisme et la séduction ont un rôle important.
Françoise est vite attirée par Alex. Bergonzelli joue la carte de l'ambiguité. A aucun moment on ne sait s'il s'agit d'un jeu diabolique, pervers et malsain, puisque Françoise n'hésite pas à se donner, obscène, à son jeune neveu devant les yeux d'un Alex excité et d'une Lucille impassible mais de plus en plus torturée, au son d'une bande enregistrée par le défunt chatelain sussurrant d'érotiques propos.
On plonge dans la perversité, on frise l'inceste. Francoise veut poignarder Alex mais l'amant a le temps de lui arracher et son arme et sa perruque qui dissimulait son vraie visage.
Tête nue, elle sombre dans l'hystérie et se revoit enfant en train de se faire violer par son père qu'elle finit par décapiter. Image qui se confond avec la réalité puisque Lucille vient de trancher la tête d'Alex à l'aide d'un sabre.
Bergonzelli en profite pour nous offrir en détail de belles images où glauque et gore se marient parfaitement dans un climat oppressant de folie commune.
Et voilà le retour de Pascal, l'évadé qui fut témoin des agissements de Lucille treize années auparavant, bien décidé à élucider le mystère et deterrer le corps. L'arrivée du truand va donner du fil à retordre à la famille. Mais si cadavre il n'y a plus bien entendu, Lucille et Colin eux trouveront le point faible de Pascal qui finira asphyxié dans la baignoire par des vapeurs de cyanure, les mêmes souffrances qu'endura la mère de Lucille déportée par les nazis durant la guerre.
Cette mort, Lucille en fut témoin et en garda toujours un souvenir obsédant que Bergonzelli nous fait partager grace à un flash back douloureux.
L'hallucination monte encore d'un cran avec l'arrivée de Mr André qu'on croyait mort depuis toutes ces années. Il aurait fui et se serait caché pour protéger sa famille d'un chantage et revient aujourd'hui pour remettre un peu d'ordre dans toute cette anarchie, une petite opération de chirurgie esthétique lui ayant donné un nouveau visage!
Tout devient énorme mais est ce pour cela qu'on marche? Bergonzelli a ouvert tant de portes qu'on veut absolumment savoir ce qui se cache derrière l'ultime.
On a du mal à croire à tout ça, tout se transforme en une gigantesque farce, un vaudeville macabre et grotesque mais le jeu est devenu amusant et c'est avec impatience qu'on attend le dénouement pour voir jusqu'où les scénaristes sont allés ds la démence.
Mr André, grand imposteur devant l'Eternel, et grâce à sa forte intelligence fera enfin toute la lumière sur cette étrange famille par l'intermédiaire d'Esther, belle jeune fille sortie d'un asile où elle était enfermée depuis Ô coincidence treize ans!
Sans dévoiler la fin qui ferait perdre au film tout mystère et suspens, il faudra toute notre attention pour ne pas se perdre dans ce dédale d'explication et l'incroyable machination organisée par ces personnages qui ne savaient même pas qui ils étaient en vérité.
Toute la force du film et de son dénouement réside justement dans cette totale ignorance. Le mot vérité prend içi toute son ampleur. Lorsque l'intelligence et la force de persuasion d'un esprit parviennent à substituer les personnalités si ce n'est les personnes elles mêmes, tout devient illusion et mascarade.
Le grandiloquent final saura tout remettre en place en nous offrant son lot de scènes chocs, telle la découverte de la tête de Mr André dissimulée au fond d'un vase au beau milieu du salon depuis tant d'années, funeste relique, témoin des agissements de sa famille désaxée!
Sergio Bergonzelli délivre une oeuvre certes passionnante mais qui pourtant souffre de son scénario à rebondissements multiples, le rendant trop incohérent et surtout grotesque à force d'en rajouter.
Cette surenchère de situations détonnantes lui font perdre non seulement de sa force mais surtout de sa crédibilité essentiellement dans sa partie finale.
A force d'en rajouter, Bergonzelli gâche sa besogne qui avait tous les atouts pour frôler le joyau du giallo macabre!
Original dans son montage théatral, correctement filmé et photographié, distillant de réels moments macabres mâtinés de gore, Dans les replis de la chair nous fait retrouver quelques bons vieux acteurs du ciné italien d'alors avec en tête Eleonara Rossi Drago et Anna-Maria Pierangeli.
Une curiosité abracadabrante à découvrir, un Bergonzelli est tjs à voir..
Petit giallo que je dédicace a notre ami Nico la grenouille..
