
Seconde guerre mondiale, 1943, en Allemagne... Le colonel Radl est chargé d'étudier la faisabilité d'un projet sorti de l'imagination de Himmler : envoyer un commando en Angleterre pour kidnapper Churchill. Ce dernier doit en effet se rendre dans un recoin isolé de la Grande-Bretagne, et Radl pense la mission réalisable...
Dans les années 60, les films sur les opérations commandos durant la seconde guerre mondiale font florès : "Les canons de Navarone", "Les 12 salopards", "Quand les aigles attaquent", "Tobrouk", "Opération Crossbow"... Dans les années 70, Sir Lew Grade, magnat de la télévision anglaise se lance dans la production de cinéma, générant aussi bien des grands spectacles comme "Le pont de Cassandra" ou "Ces garçons qui viennent du Brésil" que plusieurs Bergman.
En 1976, il lance ce grand spectacle "L'aigle s'est envolé" qui ajoute une variante dans la recette du film de commando : le commando n'est plus composé d'alliés, mais d'allemands. Nous sommes après les années contestataires de la fin des 60s, après la guerre du Vietnam, et les films de guerre n'hésitent pas à adopter des points de vue plus ambigus qu'auparavant : "Un pont trop loin" décrit une défaite alliée, "Croix de fer" dépeint la guerre vu du côté des soldats allemands...
"L'aigle s'est envolé" est tourné en Grande-Bretagne et en Finlande pour quelques passages supposer se dérouler en Allemagne ou en Pologne. Le commando est allemand, mais la distribution reste bigrement anglo-saxonne. Jugez plutôt !
L'excellent Anthony Quayle (inoubliable dans "La colline des hommes perdus") incarne l'amiral Canaris, chef d'état de major allemand très sceptique quand à cette opération délirante, dénuée de pertinence comme le Reich est en train de perdre la guerre.
Robert Duvall est le colonel Radl, haut-officier mettant en place cette opération à l'audace inouïe et recrutant l'équipe menée par le colonel Steiner. Son physique marqué par la guerre (borgne, une main brisée) semble inspiré par Claus von Stauffenberg, l'homme qui tenta de tuer Hitler en 1944 ?
Donald Pleasance joue carrément Himmler ! Le maître des SS est évidemment incarné avec la sournoiserie et la touche de folie attendues de la part de cet acteur hors du commun !
Michael Caine est le colonel Steiner (à ne pas confondre avec le lieutenant Steiner de "Croix de fer" sorti un an plus tard !), un dur à cuir de la Wehrmacht, un parachutiste rodé aux coups durs, que ses hommes suivent avec une loyauté aveugle. Pourtant, il méprise les SS et se révolte contre des exactions antisémites à Varsovie. Il est alors condamné à servir dans une prison militaire sur une île normande... L'opération mise en place lui donne l'opportunité de retrouver son rang.
Un membre inattendu de cette mission est Liam Devlin, un Irlandais joué par Donald Sutherland, enseignant l'Anglais dans une université allemande. Membre de l'IRA, il a quitté l'Irlande devant la violence aveugle qui s'y pratiquait des deux côtés. Il n'en reste pas moins un agent plein de ressources, motivé quant à lui par l'argent, et la possibilité de nuire à l'Empire britannique...
Face à eux, nous croisons quelques américains, comme un jeune Treat Williams, ou Harry Lagman en officier caricatural. Comme c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes, John Sturges, le réalisateur de "La grande évasion", signe ce mélange de film de guerre et d'aventures ! ce sera d'ailleurs son dernier film.
La première partie montre essentiellement la mise en place de cette opération commando et la présentation de ses membres. Devlin, qui arrive en avance en Grande-Bretagne, trouve moyen de conter fleurette à une indigène au bout de quelques heures sur place - ce n'est pas le passage le plus fort du métrage...
Une fois que l'opération commando commence j'avoue avoir été surpris de constater de fortes similitudes entre "L'aigle s'est envolé" et "Went the day well ?", un film de guerre anglais de 1942 dans lequel une avant-garde d'invasion allemande est parachutée dans la campagne anglaise et se fait passer pour des soldats britanniques afin de tromper les villageois. Il y a en effet des scènes fort semblables, comme la prise d'otages dans l'église, la présence de traîtres nazis dans le village, les soldats allemands qui se font passer pour des alliées (ici des polonais)...
Un goût de déjà-vu donc, qui fait que "L'aigle s'est envolé" n'apparaît pas si original que cela. Et pourtant, on aurait tort de bouder son plaisir, car John Sturges emballe le tout avec un sens très sûr de l'action, de l'aventure, une utilisation très cinéma du format scope. Michael Caine assure en blouson de parachutiste allemand. Et la musique de Lalo Shiffrin est tout bonnement excellente !
Si "L'aigle s'est envolé" n'est pas 100 pour 100 crédible, il n'en reste pas moins un très solide film d'aventures, un grand spectacle du samedi soir intelligemment goupillé par un John Sturges encore parfaitement maître de son art !
Vu sur ciné + replay, copie 2.35 16/9 SD, VM anglaise stéréo pcm 2.0, STF.