Une fois de plus, c’est pas mal ce nouveau film de Brizé. Après le très convaincant « La loi du marché », on se retrouve avec un nouveau film à tendance sociale franco-français qui est, à mon sens, intéressant mais assez bancal.
Cette fois, on suit un groupe de syndicats qui tentent d’éviter la fermeture de leur usine. Le film reste en scope et tourné façon documentaire avec des scènes à la McTiernan lorsque les grévistes défilent dans la rue, s’en prenne au Medef ou empile les cagettes devant leur usine.
Spoilers dans la suite :
Alors je ne connais pas la démarche de Brizé mais si le but du film était de faire passer les syndicalistes et les grévistes pour des abrutis c’est gagné… Du moins dans la première partie. Après c’est juste triste de bêtise.
Toute la première heure, on a envie de leur mettre des claques. Si cela se veut une description réaliste alors je suis assez choqué (et je pèse mes mots).
On a même une succession de clichés :
on va voir le médef parce que

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on va au ministère et on traite de con le boss de son usine parce qu’il suggère que le problème de l’emploi dans la région est… régional.
on confond public, privé, etc.
on s’en prend à un cadre qui vient nous aider en réunion syndicale parce qu’il gagne plus d’argent qu’un ouvrier, etc.
alcoolisme latent (des bières partout dans les bureaux)
insultes entre salariés, syndicats, cadres, direction, politiques et ouvriers
confusion prix d’action, résultat net, chiffre d’affaires, marge, etc
J’en passe tellement c’est ridicule. Mais c’est peut être dans ce ridicule que le film trouve son souffle après une heure de combats sans queue ni tête.
La deuxième heure est plus intéressante et vient presque justifier cette première partie de film : on bascule dans le déni pur et simple qui mène à la violence. Il ne semble plus question de trouver une solution ou une sortie de crise. Cette partie est très tendue et bien fichue tout en émotions contradictoires.
Le paradoxe de la démarche est le suivant : un groupe de gens se bat et partent « en guerre » contre un épouvantail. On est quelque part dans un Don Quichote moderne post-industriel.
C’est le thème de tout le film pour moi. Mais tout cela semble accidentel ou alors Brizé est un troll de haut niveau (ce qui est possible, de ce que j’en sais c’est quelqu’un de très intelligent). Surtout que l’idée de mixer le tout avec de fausses images de journaux TV ajoute à la confusion…
Reste Lindon, toujours bon au milieu de têtes inconnues. Il tient sa place et mérite – à mon sens – un prix pour ce travail pas vraiment glamour.
Bref bilan mitigé par le fait que je m’attendais à un film qui défend les grévistes et qu’on se retrouve avec une bande de gens complètement à l’ouest à tendance mongoloïde atteint du syndrome de Stockholm (pourquoi se battre pour éviter une fermeture plutôt que de travailler la reprise de l’usine et virer les anciens patrons qui n’en veulent plus ?).
J’ai aussi un doute sur la démarche vu que le film n’explique que trop peu le pourquoi du comment sur cette délocalisation. Pire, on nous explique, via témoignages contradictoires que c’est compliqué et que c’est la faute aux actionnaires. Ou alors que c’est « le marché ». Un peu dommage surtout que la Loi du Marché avait brillamment contourné toute forme d’opposition patron / salarié pour ne pas (trop) prendre position. C’est malheureux aussi, car le final est inutile et renforce le ridicule de la première partie.
Malgré tout,
mes réserves sur le film montre la richesse du métrage. En Guerre a aussi le mérite d’expliquer très bien pourquoi l’État n’est pas une solution à tous les problèmes. On peut même penser qu'il est le grand méchant de l'histoire.
À voir, donc, le film En Guerre est intéressant comme objet filmique sur la forme comme sur le fond. C’est aussi un beau témoignage de l’état actuel du salariat et du syndicalisme français.