Nosferatu - Robert Eggers (2024)

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dario carpenter
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Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par dario carpenter »

Nosferatu est une fable gothique, l’histoire d’une obsession entre une jeune femme tourmentée et le terrifiant vampire qui s’en est épris, avec toute l’horreur qu’elle va répandre dans son sillage.

Le film est sorti Mercredi dernier sur 354 écrans en France.

En ce qui concerne les précédentes versions: je n'ai pas vu le Murnau :oops: , et j'ai trouvé le Herzog intéressant, singulier par son ambiance avec quelques scènes, images et un Kinski qui restent en mémoire. J'ai eu du mal par contre avec l'oeuvre de Robert Eggers, certes appliquée dans la forme (décors, costumes, photo) mais aussi pour moi vide d'émotions, pesante, ennuyeuse et pas relevée par un casting fade voire assez mauvais qui fait parfois sombrer le film dans le grotesque. Le fameux vampire manque aussi singulièrement de présence. Il reste, pour tenter de passer le temps, la direction artistique et quelques jolis plans éparpillés sur ces longues 2 heures et 12 minutes..
Teurk le Sicaire
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par Teurk le Sicaire »

J'étais venu pour de la belle image et Bob ne m'a pas déçu : sa réalisation s'attarde à construire de jolis plans, la photographie joue en permanence avec des rappels de noir et blanc et pénètre l'obscurité à la bougie pour rendre les ombres plus vivaces, la reconstitution des environnements est dépaysante (quelle chaleur accueillante dans le regard de ces musiciens tziganes) et les quelques paysages carpatiens sont fort jolis. N'ayant jamais vu le Nosferatu de Murnau (bouuuh !), j'ai pu esquiver les affres de la comparaison que d'aucuns pourraient juger en défaveur de cette relecture qui s'inspire plus directement du Dracula originel. Belle iconisation du Roumain, de ses troubles respiratoires, de ses petites manies d'aristocrate et de ses habitudes culinaires plus directes.

Le film plaira également aux fanas d'orthophonie et de bonnes manières qui kiffent les prosodies méticuleusement articulées et les engueulades en langage soutenu. L'imagerie neuropsychiatrique du XIXème siècle est conviée à la fête, avec sa ribambelle d'aliénation, d'hystérie, de saignée décongestionnante, de gestuelle sexualisée et de toute la puissance évocatrice des convulsions qui faisaient les grandes heures de la sémiologie de cette époque. Lily-Rose Depp offre d'ailleurs une prestation qui va suffisamment loin dans la théâtralité morbide pour incarner cette vision.

Nosferatu apparait sans doute comme le plus grand public des films de Robert Eggers, reprenant un sujet plus éprouvé avec son sérieux habituel, mais sans s'interdire de petites touches d'humour. J'ai aussi l'impression qu'il tente là de réinterroger la question de l'emprise vampirique au travers des lectures modernes de la toxicité relationnelle (un peu comme Anges de sang, avec Lorenzo Lamas à la place de Bill Skarsgard) et de la place du consentement, notion clairement explicitée par l'intrigue. Ellen Hutter parle vraiment de Nosferatu comme d'un ex magnétique et dangereux dont elle a eu bien du mal à se défaire et qui tente de revenir en force dans sa vie pour reprendre son dû.

Le film montre d'ailleurs l'interdépendance du bourreau et de sa victime, tout autant douloureusement liés l'un à l'autre (Nosfé reproche à Ellen de ne pas réussir à se sentir complet sans elle, alors même qu'il n'est pas capable d'aimer), sans non plus les mettre sur le même niveau de responsabilité quand l'un menace de massacrer tout l'entourage de l'autre pour obtenir son pseudo-consentement. La consommation de la relation assure par ailleurs un avenir mortifère aux deux concernés. Peut-être une future suite titrée Son of Nosferatu ?
Cosmodog
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par Cosmodog »

Je suis partagé. C’est effectivement très beau. L’esthétisme reste le point fort d’Eggers dans tous ses films. The Northman en tête, film bancal mais avec des visions fabuleuses. Là idem, foule de plans magnifiques, parfois juste sur un détail comme Nicolas Hoult marchant la nuit sur une route perdue des Carpates, direction artistique qui lorgne plus du côté rugueux des pays de l’Est du 19eme que de celui du gothique flamboyant. Choix judicieux pour moi, qui donne un vraie identité, avec un Nosferatu massif et moustachu vraiment charismatique. À cela il faut ajouter bien sûr une voix languissante à l’accent marqué qui ajoute au ton général. Je me doutais que ce serait la cas, raison pour laquelle je tenais absolument à le découvrir en VO, tellement j’avais en tête la puissance de la voix nordique qui ouvre The Northman sur fond d’image de l’arbre de vie sous les éclairs ! Des secondes saisissantes.

Même constat ici, de nombreux passages saisissants, mais à nouveau éparpillés dans une narration laborieuse, assez peu limpide finalement. Beaucoup de manques explicatifs je trouve, que l’on comble soi-même par la connaissance éculée que l’on a du mythe. Mais l’origine du lien entre Nosferatu et Lili-Rose Depp reste obscur, idem pour celui avec le dément de l’asile, là où quelques lignes de dialogues suffisaient à Coppola pour donner du sens dans son magnifique Dracula. Je déplore également une utilisation assez systématique du réveil en sursaut d’un cauchemar comme ponctuation de scène, redondant et faisant à mon sens perdre beaucoup d’impact.

Nicholas Hoult est étonnamment un peu transparent (comme pouvait l’être Keanu Reeves dans le Coppola), Lili-Rose en fait des caisses à la limite d’Adjani dans Possession de Zulawski, ça passe, mais il manque un élan, une énergie pour lier le tout. Reste de bonnes idées qui viennent rafraîchir un récit tout de même balisé, notamment un final assez inattendu qui offre quelques visions fortes.

À revoir pour réévaluer l’ensemble, mais je doute que les visuels soient suffisant pour contrecarrer les errements narratifs et le manque d’implication. Les sentiments ne sont pas assez palpables à l’écran. Peut être aurait il aussi fallu aller un peu plus loin dans la deconstruction du récit original. Car pour qui connaît son Dracula par cœur, même si oui ok Nosferatu c’est pas Dracula (enfin bon… Murnau y a laissé quelques plumes en son temps), c’est sûr qu’un des écueils du remake, ça reste en premier lieu la redite.
gnome
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par gnome »

Premier constat : Eggers sait filmer. Mais on le savait déjà. Il sait composer de belles images et certains plans sont à tomber. Mais (premier "mais"), j'ai eu l'impression qu'a trop vouloir y mettre la forme, il tombe dans une forme d'esbrouffe. Ces zooms de transition entre deux plans, certains mouvements de camera reviennent trop souvent uniquement pour faire beau.
Sinon, il reprend par moments quasi tel quel le matériau d'origine, à savoir le Murnau ,pour mieux complètement s'en écarter à d'autres. Ainsi, certains plans sont repris quasiment à l'identique avec les "dialogues" d'origine (la scène des fleurs, l'arrivée tardive au château, le cimetière près de la plage), mais il fait d'Hellen une "victime" avant l'heure, poursuivie mentalement par cet amant qu'elle avait accueilli par dépit des années auparavant. Bonne idée ? Oui et non.
Eggers ajoute le personnage de von Franz. Bonne idée ? Plutôt non d'autant qu'il est responsable d'une des séquences les plus embarrassantes du film tout droit sortie d'un film d'exorcisme lambda. Il fait aussi de Hutter quelqu'un de plus déterminé que dans l'original. Sensible beaucoup plus vite à l'emprise d'Orlock. Question interprétation, Nicholas Hoult fait le boulot correctement et surpasse de loin Gustav von Wangenheim et son interprétation niaise par moments. Bill Skarsgard, visiblement cantonné aux rôles de monstres n'a absolument pas le charisme de Max Schreck et, malgré toutes ses prothèses, n'inspire jamais la crainte. Sa tendance à trop discuter participe grandement à cette perte d'aura (facile, l'original était muet, dira-t-on, mais le personnage s'exprimait tout de même sans tomber dans les discours qu'il nous assène ici). Plutôt que d'inventer un rôle pour Willem Dafoe, il aurait été plus judicieux de lui offrir le rôle du comte. Il aurait été à coup sûr un excellent Nosferatu. On se consolera en revoyant L'ombre du vampire. Ralph Ineson en Sievers est convainquant aussi. Enfin, Lilly-Rose Depp, si il est indéniable qu'elle donne de sa personne, elle fait une bien fade Hellen; son regard éteint peinant à faire passer la passion qui devrait l'habiter.
Alors, Nosferatu est-il un mauvais film ? Non, mais il aurait pu être tout autre avec un peu plus de cœur. Reste un beau livre d'images dont ressortent quelques visions très réussies comme cette main qui s'étend sur la ville et au final, un honnête film fantastique.
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par Lord Taki »

Je pensais partager mon avis avec vous.
Juste gnome a écrit bien mieux que moi mon ressenti.

Eggers sait faire un film et c'est déjà beaucoup en ces temps obscurs.
Narrativement je n'ai pas vraiment suivi/compris comment le comte pouvait avoir une telle emprise sur les 2 personnages.

Reste que je suis toujours bloqué par Lilly Rose Nepostism Depp. J'y arrive pas.
gnome
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par gnome »

Eggers avait initialement pensé à Anya Taylor-Joy pour le rôle... :(
Dommage. Occasion ratée.

Il a visiblement été impressionné par une scène d'hystérie à l'audition (dixit l'Ecran Fantastique). Ok, mais il n'y a pas que ça dans un rôle et celui-ci est bien plus complexe à mon sens que ça AMHA. M'enfin...
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par orco »

Bof!
Le Nosferatu de Murnau est un classique, une pierre angulaire du cinéma fantastique et surtout un film hautement visuel.
Le film d'Eggers ne l'est pas, visuel, à part quelques moments éparses. Oui il y a bien des fulgurances dans quelques plans extérieurs mais globalement il se contente de filmer platement des acteurs qui parlent (beaucoup!), avec des cadrages peu inspirés et une photographie terne (proche du noir et blanc, oui on a capté la ref).
Et puis il y a cette fâcheuse tendance à confondre horreur et laideur. A commencer par son actrice principale, peu mise en valeur (on va dire ça). Et puis ce Nosferatu à moustache, mais quelle idée ???!! )8
Tout est plongé dans l'obscurité de manière complaisante. Tant qu'une fois arrivé à la fameuse scène finale, on est comme surpris de voir le soleil. Il eut fallu le montrer avant, le fusil de Tchekhov, tout ça...
Et la musique, je l'ai déjà oubliée...
J'ai apprécié la volonté de se greffer à tout un pan du cinéma folk horror et puis l'upgrade du mode de succion est bien vu (quoique rien n'est montré, tout passe par le son). Mais au global j'ai quand même eu beaucoup de mal à adhérer à la proposition.
Bref, un remake un peu inutile.

J'avais pourtant aimé The Witch. Pas encore vu The Lighthouse et The Northman, mais c'est dans mes piles de trucs à voir.
Drac
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par Drac »

Je me suis profondément ennuyé devant The Witch et The Lighthouse, autant dire que je suis allé voir ce Nosferatu avec pas mal d'appréhension, et miracle, j'ai beaucoup aimé, visuellement c'est magnifique et l'histoire est respectée dans ses grande lignes, peut-être que certains espéraient que Eggers s'en éloigne un peu plus.
Les Bisseries
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Re: Nosferatu - Robert Eggers (2024)

Message par Les Bisseries »

Et une série de 4 (très) bons films pour Eggers! Adepte inconditionnel de l'original et du génial remake d'Herzog (et franchement moins de l'opus de Coppola, un peu pépère à mon goût) au point de trouver finalement peu d'intérêt dans les autres films de vampires qui ont suivi (allez, on sauvera une poignée de classiques de la Hammer et des ovnis comme Near Dark qui touchent à l'excellence eux aussi), je me préparais franchement à être déçu. Mais ce ne fût pas le cas. Après 100 ans de films sur le célèbre suçeur de sang, j'ai même du mal à saisir comment on peut être blasé devant ce genre de spectacle "trop sage", alors que ça essaye quand même de proposer une vision alternative du mythe, tout en respectant les grandes lignes du récit, avec des emprunts/clins d'oeil évidents aux trois opus cités plus haut (sans que cela ne rende pour autant le métrage pénible au visionnage).

J'ai trouvé, au delà de la mise en scène et de la photographie à tomber (le grand atout du réalisateur mais également sa plus grande faiblesse, si j'en crois les critiques lues ça et là), le propos sur le désir féminin (au travers du personnage d'Ellen, devenu central ici) et la version "horrifique"/sexuelle d'Orlock très appréciables. Le casting s'en sort très bien (pourtant le choix de Lilly-Rose Depp ne me rassurait pas), la BO est honorable (le passage du carrosse dans les bois reste un de mes moments d'effroi les plus mémorables en salles). La vraie faiblesse du film reste sa longueur excessive. Mais franchement, et je conviens sans mal que je peux être par moments un insupportable pisse-froid dans mes critiques, Nosferatu est (avec The Substance dans une certaine mesure), LA grosse claque de 2024... et de très loin!

Ma chronique complète: ici!
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